La petite île de la Grande Jatte qui s'étend sur Neuilly et Levallois Perret compte pas moins de 5 restaurants. Parmi eux Les pieds dans l'eau propose une offre roborative. C'est bien simple, c'est comme en Amérique, tout est grand !
L'endroit est très atypique et chargé d'histoire. En effet, au début du XIXème siècle le lieu était un relais de chasse du duc d'Orléans, futur roi des Français, Louis-Philippe. Aussi, devenu restaurant au tournant des années 70, les célébrités de l'époque y avaient leurs habitudes. Ainsi, Mireille Darc occupe le rôle de marraine de l'établissement tandis que des films y sont aussi tournés comme « Vincent, François, Paul et les autres » de Claude Sautet en 1974. Mais cette époque est à présent révolue.
Après plusieurs changements de propriétaires, le lieu se veut hybride et un poil baroque. De l'extérieur, on pourrait croire à une simple cabane de pêcheur, mais la grande tablée prête à accueillir des soiffards des beaux jours trahit l'intention du lieu.
Dans la salle, on sent que les patrons ont le béguin pour la brocante, et la déco hétéroclite peut surprendre : peintures pop, couverture de Born in the USA de Bruce Springsteen ou buste de Louis Philippe en figure de proue. Plusieurs salles composent le restaurant et une magnifique terrasse permet de se délasser en bord de Seine quand il fait beau. Voilà un lieu qui a du cachet !
Il y a même des cheminées (allumées en hiver) et un coin canap' pour siroter des cocktails en "after work".
Sur le carte, c'est un peu le même foutoir, ça donne dans tous les registres : des plats tradi aux plats fusions voire bistronomiques. Une côte de veau champignon (27€) côtoie un burger (19€) et des maki au thon revisités (25€). Il y a un peu de tout pour plaire au plus grand nombre. C'est plutôt étonnant et ça manque singulièrement de personnalité ou de ligne directrice sur le papier.
Un menu déjeuner du jour s'affiche à 30€, valable en semaine uniquement.
J'ai besoin d'une petite entrée légère pour commencer. J'arrive à déchiffrer l'ardoise du jour lointaine où est écrit "saumon gravlax". Banco ! Je m'attends à trouver 4 fines lanières de saumon et un accompagnement quand je vois arriver l'assiette : c'est tout simplement un pavé entier de 250gr qui a été découpé en deux, avec au centre de la salade et un quart de citron. C'est énorme pour ce genre de plat ! Le dressage assez brut amplifie cette impression. Pour une entrée à 7€, c'est carrément fou. Une petite sauce à l'aneth est disposée dans un ramequin... posé dans l'assiette. La vaisselle dans l'assiette, j'ai de plus en plus de mal avec ça.
Mais le saumon, est plutôt bon et bien parfumé. Un plat simple qui sait régaler.
A peine ai-je fini l'entrée que je commence un peu à me dire qu'avoir choisi ensuite une côte de veau ne va pas aider franchement mon rapport avec ma balance (que je n'ai pas).
C'est Las Vegas qui arrive ensuite avec une assiette tout feu tout flamme : des branches de thym brûlent sur la côte de veau aux champignons, provoquant dans la salle un certain effet "whaou". Extinction de l'incendie, dispersion des fumées épaisses (et pas de plus agréables), je découvre la viande qui a une particularité : elle est coupée à l'anglo-saxonne en "T-Bone". Pourquoi pas ? Encore un ramequin de sauce dans l'assiette... Une vague poêlée de haricots droits comme des i et des champignons trop cuits complète cette assiette de champion. Toujours pas de finesse dans la cuisine, mais c'est encore énorme ! Pour 27€ il y a à manger. La petite sauce crémée n'est pas mauvaise. Dommage, le couteau ne coupe pas bien et a tendance à déchirer la chair. Mais c'est à nouveau bon. Mon niveau de satiété largement dépassé, c'est quand même l'heure du dessert. Mon choix se porte sur le baba au rhum.
En attendant, j'écoute avec gourmandise le dialogue qui s'est instauré entre les deux personnes à ma gauche. Dans cette ambiance de brocante ça chine sévère à coups de "quoi? tu es mariée depuis 16 ans? moi j'ai divorcé après 15 ans!", de "moi, j'aime les hommes mûrs tu sais", de "faut sortir de ta routine, de ton train train" ou encore de "je suis libre dans ma tête", le tout entrecoupé des éclats de rires de la dame qui a mis son plus beau rouge à lèvres fuschia pour le séduire.
La serveuse revient l'air désolé pour m'annoncer que point de baba il y a! Las, me voilà à me replonger dans la carte pour finalement porter mon choix sur le "plateau de formages", en fait, planche de fromages. Encore une fois, c'est très généreusement servi : de la tome de Savoie, du pont l'Evêque et du Saint Nectaire fermier. Pas mal du tout dans l'ensemble.
Pour le vin, le service n'est pas super au point. Je demande un verre de vin, on me répond qu'il y a du vin du Vaucluse ou du Côte du Rhône. A peine avais-je demandé un peu plus de précision pour faire mon choix, que le désarroi s'affichait dans les yeux de la brunette. Elle revient en me disant que c'est un Gamay... mouais... Peut mieux faire ! Allez, apporte-moi les bouteilles mignonne afin de me décider (c'est ce que je me suis dit intérieurement)! Après inspection des étiquettes (on ne goutte pas ici!), c'est le vin bio du Vaucluse que je choisis, un vin de 2017 de la Célestière. 7 euros le verre. TRES gros coef réalisé. Mais le vin est plutôt agréable.
L'addition finale s'élève tout de même à 54,50€ avec un café à 3,50€. Tout est vraiment grand ici, même l'addition ! La cuisine, si elle n'est pas fine ni recherchée, se blottie dans les bras de la gloutonnerie en proposant de beaux produits en abondance dans l'assiette. Le cadre sympa contribue largement à passer un bon moment.
Les Pieds dans l'eau
39 Boulevard du Parc
92200 Neuilly-sur-Seine (Métro pont de Levallois Bécon)
Tel : 01 47 47 64 07
Fermé le samedi midi et le dimanche soir
Les +:
_ lieu atypique en bord de Seine
_ des produits sourcés
_ des quantités qui vont faire plaisir aux outre-mangeurs
Les -:
_ peu de cuisine et encore moins de finesse
_ la carte qui part dans tous les sens
_ le coef du vin au verre est abusé (presque 6!)