Je me souviens m'être attablé à cette adresse tenue par un couple lors de son ouverture. Depuis Pertinence a obtenu sa première étoile bien méritée. De retour, j'ai encore pris une claque ! Quelle cuisine incroyable ! Récit de 2h30 (hé oui !) de bonheur.
Dans la rue de l'Exposition, une grande vitrine encadrée de bois verni. C'est dans ce tableau géant que s'inscrit Pertinence dirigé par le couple Ryunosuke Naito et Kwen Liew (lui japonais et elle malaisienne) depuis 2017.
L'endroit interpelle. A l'intérieur, une poignée de tables sont réunies dans un décor blanc (de grands rideaux recouvrent deux murs) et en bois : le plafond est recouvert d'une sorte d'espalier qui forme une onde et se termine en banquette. Ça n'est pas commun. Au sol, un oculus en verre permet d'apercevoir la cave. Une déco sobre et élégante dans le goût de celle d'un Passage 53 par exemple.
12h30, et déjà pas mal de monde installé à sa table précieusement réservée (il n'y a que 7 tables). Beaucoup de touristes. C'est le chef en personne qui m'accueille avec ce sens de la déférence si particulier du Pays au Soleil Levant.
La carte affiche ses prétentions, on est clairement dans un restaurant gastronomique : menu du jour au déjeuner à 45€, menu dégustation en 6 services à 105€ et une carte où les prix varient de 38 à 75€ pour les entrées et de 58 à 82€ pour les plats. Tel un bon vendeur, le chef vient me faire renifler la truffe d'Australie (d'hiver donc) qu'il a reçue ce matin. Quel parfum ! Ça change des truffes d'été que l'on trouve en ce moment à toutes les sauces! Mais bon, à 20€ le supplément par plat, je vais m'en passer et choisir la dégustation en 6 temps : 2 entrées, 2 plats, 1 fromage et 1 dessert.
Deux gougères me sont apportées en guise de bouchées apéritives. Bien faites et goûteuses, elles sont bonnes, mais évidemment j'attends beaucoup plus d'un tel restaurant !
Le chef est seul en salle et virevolte de table en table pour exaucer les souhaits de chacun. C'est madame qui tient les fourneaux.
Place ensuite à l'amuse-bouche. Crème de parmentier, composée de pommes de terre, de poireaux, croûtons et herbes aromatique. C'est très bon, servi froid, c'est un rappel malin de la traditionnelle soupe d'antan. La petite huile d'olive d'Espagne rajoutée sur le dessus est un régal à elle toute seule !
Un peu d'attente, le temps de goûter à la petite boule de pain chaud et le beurre travaillé au sel maison - miam! - et ma première entrée arrive : Asperge blanche, langoustine royale, bouillon bonite. L'assiette est très jolie, le dressage est réussi, tout en précision. La langoustine de belle taille, bénéficie d'une cuisson parfaite tout comme les asperges qui ont encore un peu de fermeté. Le bouillon dashi lui a été légèrement gélifié et sa saveur claque en bouche avec des notes piquantes sur la fin! Quel plat ! C'est imparablement délicieux.
Déjà 40 minutes que je suis arrivé, et je finis tout juste le 1er des 6 services prévus ! Pas question d'être pressé. Deuxième entrée : Foie gras poêlé, navet daïkon, mangue, sauce au canard et amaretto. C'est une nouvelle fois très joli, et ça sent bon ! Quand le chef raconte le plat, il a les yeux qui frisent de gourmandise.
Et là, je peux vous le dire, ce plat est une pure merveille! Tout est parfait, les goûts sont exceptionnels : le mariage du foie (croustillant à l'extérieur et tendre à l'intérieur) et du daïkon fermenté et de cette sauce de dingue est une révélation ! Chaque bouchée me transporte dans un autre univers où le temps n'existe plus. Le bonheur à l'état brut. C'est sans aucun doute ce que j'ai mangé de meilleur cette année!
Après autant d'émotions, une petite pause ne fait pas de mal !
Puis l'heure du poisson a sonné : Rouget en écailles, girolles, petits-pois, asperges vertes, sauce au vin rouge. L'assiette est élégante. Le chef insiste sur le fait qu'en Malaisie (pays d'origine de la cheffe en cuisine), on aime bien préparé les poissons de cette façon et que tout se mange. Pas la peine de préciser que la cuisson du poisson est parfaite. Le croustillant des écailles est très agréable, et cette sauce au vin rouge une petite merveille! Les girolles dans l'assiette me feraient presque regretter de ne pas avoir pris l'entrée du menu du jour où elles accompagnaient un oeuf parfait! C'est très bon. Pas au niveau du foie gras, mais est-ce possible ?
Après le poisson, c'est la viande en 4ème service : Longe de veau, asperges sauvages, truffe, pommes de terre Gabrielles, jus au Xéres. Normalement, c'est avec des morilles qu'est préparé ce plat, mais là, la cheffe a mis les truffes qu'elle avait (sans supplément) ! Je ne vais pas me plaindre. La viande est rosée, juteuse et goûteuse. en un mot elle est fantastique ! Une nouvelle fois ce jus est diabolique et les mini-patates sont un délice avec cette fine lamelle de champignon. Un plat excellent qui figurera longtemps dans ma mémoire !
Cinquième temps, le fromage. Les deux heures à table viennent d'être franchies. Mousse de Roquefort caramel Umebushi, camembert et confiture de cerise. Pas de grands plateaux comme je le aime tant, mais des morceaux présentés comme un plat à part entière. Le calendos est fait à souhait mais parfaitement affiné. Que de la crème pas de piquant. La bonne confiture ne lui apporte pas grand chose. La mousse de son côté, se marie très bien avec le caramel, et moi qui d'habitude ne goûte guère ce fromage, je me régale.
Le dessert : Pêches plates et jaunes, sorbet orange sanguine, coulis de framboise. Ce n'est pas un plat de la carte, mais le dessert du jour. Je trouve que la pêche jaune n'est pas suffisamment mûre et est à la limite de croquer sous la dent. D'un autre côté ça donne de la texture et le (très bon) goût est apporté par les autres ingrédients. C'est frais, et vraiment bon. Un point d'orgue parfait pour clore ce marathon de 2h30 !
J'ai pris deux verres de vin, c'était bien le minimum, pour accompagner tout ça : un verre de Viré-Clessé Climat les Gandines (16€) et un verre de hautes côtes de nuits, Fontaine saint Martin Monopole, Domaine Michel Gros (15€). Deux très bons vins, vendus un peu cher.
Avec le café (5€), deux mignardises anodines et l'addition arrive... 141€ ! C'est une somme ! Mais ce que j'ai mangé est tellement exceptionnel, que ça passe tout seul !
Pertinence, c'est coûteux, c'est long, mais qu'est-ce que c'est bon ! Direct dans mon Top des restos de l'année 2019 !
A noter qu'en ce moment ils cherchent la perle rare pour le service en salle, mais qu'une fois trouvé, le menu en 6 services mettra toujours 2h30 à être servi ! Le temps, ça n'a pas de prix !
Pertinence
29 Rue de l'Exposition
75007 Paris (Métro La Tour Maubourg, Ecole militaire)
Tel : 01 45 55 20 96
Fermé le dimanche, le lundi et le mardi midi
Les +:
_ cuisine exceptionnelle
_ gentillesse du chef qui se retrousse les manches pour s'occuper du service
_ cuisine exceptionnelle, mais je l'ai déjà dis je crois !
Les -:
_ il faut avoir le temps, même pour le 3 services, on approche les 2 heures...
_ vins un peu chers comme dans tous les étoilés