C'est toujours surprenant de se retrouver dans un décor qui ne correspond pas vraiment au lieu et au thème. Les Tantes Jeanne, restaurant de viandes? Restaurant gastronomique? Cuisine du monde? C'est un peu tout ça à la fois !
Entre Pigalle et Montmartre, les caboulots plus ou moins fameux se succèdent. Proche de l'angle de la Rue Lepic et Véron, une enseigne noire avec des buissons devant, comme pour cacher ce lieu. C'est interlope? A y regarder de plus près, pas du tout. Les Tantes Jeanne visent même plutôt le haut du panier avec des menus qui dépassent les 100 euros. Attrape-touristes? S'il y a bien des grenouilles à la carte, elles semblent préparées de façon gastronomique.
A l'intérieur, c'est tout aussi hybride : on entre et devant nous s'impose une armoire à viande avec une sacrée collection de bidoches. Tomettes anciennes au sol, lithographies de Bacon et Miro aux murs, et derrière un comptoir, une remise (?) dont on n'aperçoit un peu de foutoir... Je suis installé à côté des alcools (avec de belles références), ils ont su directement à qui ils parlaient ! Par contre, il faudra dire à leur patron que leurs habits sont trop courts. Le personnel en salle est engoncé dans des chemises blanches pas des plus seyantes.
Sur la table un menu "spécial Wagyu" m'attend déjà. Je n'en demande pas tant ! Sinon, un menu découverte est proposé à 85€ et un autre dégustation à 149€, tout deux en 6 services. Sinon il y a la carte avec des entrées qui varient de 14€ pour des "tomates cerises et herbes folles" à 28€ pour l'assiette de charcuterie. Dans ce resto de viande, des poissons, mais il faut sortir le chéquier : comptez 44€ pour le filet de turbot ou 36€ pour l'omble chevalier. La barbaque demeure le coeur de l'endroit tout de même : pigeonneau, ris de veau, jarret de cochon... mais aussi du boeuf, plein de boeufs : Filet d'Aubrac bio, Angus Black maturé ou non, et kobé évidemment. A chaque fois on choisit le poids histoire de combler une dent creuse ! Ce n'est pas donné mais pas fou non plus : 32€ pour un filet de 200gr, à 68€ (par pers) pour la côte de boeuf maturée.
Une chose est sûre, je vais en avoir pour une somme coquette.
Un amuse-bouche pour démarrer, c'est bien là le moins ! Une "salade de fruits de mer" : dans un réceptacle en feuille de brick, une mousse recouvre un mélange d'algues et de mollusques. Comment manger la chose? A la main? J'essaye... aïe, c'est trop mou. Aux couverts, le réceptacle ne facilite pas la découpe, et j'explose très vite le tout façon massacre à la tronçonneuse. Au goût, c'est pas mal et assez osé de mettre des notes maritimes et iodées dans un restaurant de viandes...
Avant d'entamer un gros bout de viande, quoi de mieux que la fraîcheur d'un carpaccio de thon rouge (la ventrèche exactement) avec agrumes?(24€) C'est plutôt joli, même si l'éclairage de la salle ne fait pas honneur à cette entrée. C'est plutôt bon avec des saveurs gentiment acides comme ce sorbet au citron caviar. Pas fou, mais je mange avec plaisir.
Après une certaine attente (pour ne pas dire un très long moment), ma bidoche est avancée : Entrecôte (300gr) angus Black maturée 65j+. Dans l'assiette deux trucs cramés (un piment doux et une mini-aubergine), un ramequin de sauce au pain d'épices (qui ne sert à rien avec une si belle viande évidemment...) et à côté, de la purée au beurre fumé (très beurrée, très fumée, très bonne) et trois brins de salade anecdotiques.
La viande est très bonne, la cuisson demandée - saignante - a été respectée tout comme le temps de pause. Les 300gr, je les ai facile, pas besoin de peser ! Méthodiquement, je déglingue ce gros steak. Mon estomac n'en peut plus, mois si !
Pour le dessert, sage comme je suis, je me rabats sur le Pistachier Thérébinthe d'Antioche. D'ailleurs, je remarque une vraie tonalité orientale sur cette partie de la carte avec de la rose de Turquie ou du citron d'Iran... et pour cause, le chef - Octave Kasakolu - est d'origine kurde. D'où les légumes grillés alors? Tout s'explique !
Le fin dôme en chocolat recouvre une bavaroise pistache repose sur un biscuit au sarrasin et fleur de sel, tandis qu'une crème anglaise épaisse aux pistaches est versée tout autour. Ça sent la pistache, de la pistache j'en ai partout, plein de pistache, trop de pistache? Peut-être bien ! Ce dessert manque d'équilibre. Mais quand je relis maintenant la carte des desserts je vois qu'était prévu un café aux graines de Thérébinthe torréfiées... Je crois qu'ils ont zappé cette partie, ça aurait sans doute apporté une amertume salutaire !
Pour le vin, cette adresse entre dans la catégorie bottin dispendieux. On a beau tourner les nombreuses pages de la carte, on ne trouve jamais rien de bon marché, et au contraire les prix peuvent s'envoler ! Prudemment, je me réfugie vers ce qui semble le moins cher, et qui parmi ce choix ne fait pas forcément rêver : le beaujoulais villages de Christophe Pacalet (7€). Bonne pioche ! Voilà un vin totalement régalant ! Avec la viande, il était de très bonne compagnie !
Le café ici coûte tout de même 6,90€. Ouille ! Addition finale : 110,40€. Aïe ! C'est cher, très cher ! J'en ai même plus que pour Clover Grill (que j'ai préféré)! Cependant, il y a quelque chose d'atypique dans cet endroit, et à n'en pas douter le chef a un vrai talent qui semble bridé par son concept de resto de viandes. Peut-être que l'ouverture prochaine d'une annexe bistrotière, le Riwi, va lui permettre de se révéler au grand jour ! A suivre.
A noter que les Tantes Jeanne vont fermer au déjeuner dorénavant en semaine pour ne laisser place qu'à un brunch les samedis et dimanches.
Les Tantes Jeanne
42 Rue Véron
75018 Paris (métro Blanche / Abesses )
Tel : 01 42 51 14 21
Ouvert tous les soirs, brunch au déjeuner samedi et dimanche
Les +:
_ très belles viandes
_ des desserts qui ont l'air très intéressants
_ des plats cuisinés
_ accueil sympathique
Les -:
_ bonne viande, mais pas la meilleure
_ c'est cher
_ les bouteilles de vin très chères