[Edit 22/03/22] Substance a perdu sa fantastique cheffe pâtissière (Tess Evans) mais a gagné une étoile Michelin !
Jadis, le Bien-Aimé m'avait époustouflé avec ses dorures et ses boiseries de style Versailles. Ce restaurant royal a dû abdiquer, et se voit remplacé par Contraste, la nouvelle pépite mise sur orbite par Stéphane Manigold. Vais-je bien aimé?
Le Bien-aimé avait fait appel aux artisans du Tour de France habitués aux dorures du château de Versailles pour mettre sur pied la déco exceptionnelle de ce restaurant, dorures, boiseries, grands miroirs... Depuis sa fermeture il y a des mois, le lieu très typé cherchait un repreneur, et c'est Stéphane Manigold, déjà à l'origine de Substance qui a eu la bonne idée. En effet, sacrifier ce décors aurait été un gâchis bien triste. Alors, avoir un restaurant qui s'appelle Contraste, permet de conserver en partie l'ancien (pas si ancien) et de le mélanger à du contemporain, et hop !
Mais le concept même de cette nouvelle table va plus loin puisqu'il y a deux chefs aux fourneaux : Erwan Ledru, qui comme son prénom l'indique vient tout droit de Bretagne, et Kevin de Porre lui du Sud-Ouest. Sur le papier le projet s'avère prometteur !
Dans la rue d'Anjou, les boutiques chics et les restaurants tape-à-l'oeil qui ont oublié d'être bons (hein Ran!) ont depuis des années bonne place. La petite vitrine noire de Contraste, refaite à neuf, se fait bien remarquer avec ces deux porte-menus en laiton qui font la retape sur le trottoir.
A l'intérieur ça a bien changé ! Finie l'ambiance ancien régime - Louis XV - mais il reste quand même des vestiges : les belles moulures et boiseries, les grands miroirs, quelques dorures ici ou là, ou encore les deux grands lustres. Mais voilà, les moulures ont été repeintes en gris, les lustres se voient transformés avec des ampoules déco, et le plafond est parsemé de drôles de baffles rouges toutes reliées à un grand cylindre : c'est le système audio. Le mobilier s'avère moderne et design.
Je suis placé à côté de la cuisine qui a été ouverte après de grands travaux. Dans cette zone, c'est la modernité qui prend le pas, logique, elle n'existait pas avant ! Quand je m'assoie sur la banquette, je suis mal à l'aise... Soit elle est trop basse, soit la table est trop haute, mais je ne suis pas bien. Ça se joue à quelques centimètres.
Vu les tarifs, il semblerait que Contraste vise haut : certes il y a bien un menu déjeuner (sans choix) à 39€, et un autre de dégustation à 75€ en 5 services, sinon les entrées de la carte naviguent entre 17 et 22€ et les plats de 24 à 42€. Dès les intitulés on peut observer la dualité des chefs : des algues, des herbes du Croizic, du Saint-Pierre ou du maquereau côtoient du poulpe, du cochon bellota, de la soubressade ou des olives noires.
Ce midi, j'ai décidé de me faire plaisir, et c'est parti pour la dégustation !
Les amuse-bouche arrivent : chips et concombre mariné. C'est bon, contrasté mais pas ébouriffant. J'ai encore le souvenir de ceux exceptionnels de Marcore l'Etage !
Le pain - Poujauran - est proposé sur une écorce de liège "qui a été ramassée par le chef en personne" me précise-t-on. Un détail vraiment très, très intéressant. En tout cas, je regrette de ne pas avoir un peu de beurre (genre au beurre salé et piment d'Espelette pour aller avec le thème) pour m'engouffrer une ou deux tranches...
Très vite arrivent les Oeufs de poulailler et de rivière, betterave et anguille fumée. C'est très joli, avec des couleurs flashy. Au-dessus on me râpe de la poutargue assez généreusement. Le jaune d'oeuf coloré à la betterave a été confit au vinaigre ce qui lui confère une acidité très prononcée. Le riz noir et le riz soufflé proposent un jeu de textures intéressants, tandis que les petits oeufs de truite explosent en bouche. Malheureusement la sucrosité de la betterave ne vient pas bien rééquilibrer tout ça, tandis que les goûts de l'anguille fumée et de la poutargue ont du mal a existé. C'était pourtant une entrée prometteuse, mais je ne suis pas complètement convaincu.
Place à la seconde entrée : Tortelloni, girolles, mousse des bois. Ça sent bien l'automne et ses sous-bois ! Plus épurée que l'autre, et carrément plus équilibrée, je la dévore avec plaisir. L'herbe - l'achilée millefeuille - que je découvre apporte des parfums un peu inhabituels et plutôt bons. Délicieux !
Ça y est, je suis lancé et impatient de voir arriver la suite ! C'est l'heure du poisson : Rouget de petits bateaux, foies de volaille, et fenouil. C'est accompagné d'une sauce miroir au vin rouge lié aux foies de rougets... Mes narines sont aux anges! Le légume a été confit mais aussi mandoliné cru. Les foies de volaille reposent de leur côté sur une petite pâte aux épices. Tout est magnifiquement bon ! Ce mélange terre-mer s'avère des plus réussis, et cette sauce, un régal qui mérite d'être liquidée, pain au poing, avec amour et délectation.
Le Cochon Bellota, huîtres, herbes marines de la ferme du Croizic est normalement le plat signature de l'établissement. Mais pour moi, ce sera sans le mollusque, car malheureusement mon corps réagit très mal à son ingestion. Mais je crois que le plat a toujours sens, sans ça. La viande est généreusement arrosée d'un "jus de cochon" (rien qu'en l'écrivant j'en ai l'eau à la bouche!) tout comme la purée bien beurrée qui se trouve dans une petite cassolette à côté. La viande de porc est ici servie saignante voire bleue. et c'est vrai que c'est délicieux comme ça! L'un des serveurs vient me demander si j'en avais déjà mangé avec une telle cuisson.... hé bien oui, je m'en souviens parfaitement la première fois, c'était même à Lille à la Table du Clarance, un cochon exceptionnel. Même si on atteint pas ce sommet lillois, c'est tout de même magnifique ! On oublie vite les risques sanitaires bien réels d'autant que ce sont des bêtes élevés dans la nature... Le tout est de bien connaître les premiers symptômes des maladies afférentes pour un traitement rapide. (et je dis ça sérieusement...)
Puis, surgie de nulle part - enfin pas de la cuisine - arrive la charmante et souriante pâtissière qui m'apporte le pré-dessert. Je crois qu'on l'exploite à la cave la pauvre. J'hésite à faire un signalement auprès de l'inspection du travail ou à l'URSSAF. En tout cas la proposition devant moi sort de l'ordinaire : Miel, mûres, soja; Oui, soja, comme le soja des bo buns... Sur le dessus une tuile, avec du miel et du pollen. Je plante ma cuillère profondément dans la mousse de soja et arrive aux mûres (et cassis?) et... au soja. C'est très surprenant d'autant que c'est très, très bon ! Quelle découverte ! Des belles textures, des parfums agréables, j'en réclame encore !
C'est moins la fête pour le "vrai" dessert : Chocolat vietnam 70% fumé, algues et Kasha. Je ne suis toujours pas fan de chocolat. Un peu comme le dessert délicieux de Fleur de Pavé, on joue avec le sarrasin et les algues, mais leurs saveurs sont écrasées par celle du chocolat qui est omniprésent, c'est dommage. Je ne doute pas par contre, que les chocovores puissent être aux anges avec ça !
Un petit mot sur les mignardises, même si je n'ai pas pris de boissons chaudes : il y a notamment une barbe à papa au géranium qui doit faire penser à l'enfance. Mais bon, je n'ai jamais mangé ça petit, et ce serait plus indiqué pour mon grand Frère qui avait l'habitude de boulotter les fleurs des jardinières quand il portait encore des culottes courtes. En tout cas, l'effet "nuage" qui disparaît en bouche est très réussi, et le parfum de fleur subtile. L'autre mignardise est un biscuit aux zestes de citron, très bon.
Pour la carte des vins, à l'instar de Substance, l'accent est mis sur les champagnes. Mais pas seulement évidemment. Pour accompagner tout ce long repas je choisis un vin léger qui a tout de même du corps : un Bourgogne 2017, Le Pinot Déraisonné du domaine des Faverelles à 12€ le verre. Un peu cher d'autant que j'ai été servi chichement. Mais ce vin demeure bon.
Addition finale pour ce déjeuner gastronomique : 87€. Tout n'était pas parfait et encore pleinement rôdé dans les assiettes, Contraste vient d'ouvrir. Cependant il y a d'ores et déjà matière à se régaler grâce aux chefs de talent qui proposent une cuisine toute en nuances avec de beaux produits. Une originalité qui pourrait attirer les papilles du Guide rouge, qui sait?
Contraste
18, rue d'Anjou
75008 Paris (métro Concorde Saint Augustin)
Tel : 01 42 65 08 36
Fermé samedi et dimanche
Les +:
_ déco réussie sans avoir trop saccagé celle de feu le Bien aimé
_ une association en cuisine qui fait des étincelles
_ de superbes produits
_ service très agréable
Les -:
_ certaines recettes en rodage
_ vin cher et pas très bien servi
_ pas de beurre pour bien profiter du pain
_ table trop haute (ou banquette trop basse)
Serviette en tissus | ✅ |
Changement de couverts à chaque service | ❌ |
Nappe en tissus | ❌ |
Bonne réception mobile | ❌ |
WiFi gratuit | ❌ |
Musique inutile en fond sonore | ✅ |
Adapté pour les enfants bien élevés | ✅ |
Volume sonore moyen | 52dB |
Toilettes bien entretenues | ✅ |
Même menu midi et soir (hors formule) | ✅ |
Réservation possible | ✅ |