[Edit du 18/01/21] : Shabour et Assaf Granit ont reçu leur première étoile pour cette expérience chaleureuse hors du commun !
[Review du 15/09/2019] C'est la sensation de cette rentrée gastronomique 2019. Shabour, ouvert que le soir, affiche d'ores et déjà complet sur plusieurs semaines. Engouement mérité? C'est ce que je vais voir, j'ai réussi à avoir une place!
A l'angle de la rue Dussoubs et Saint Sauveur, une nouvelle adresse vient d'ouvrir. Pas loin, le désormais célèbre Experimental Cocktail Club. Normal puisque c'est le groupe du même nom (Expiremental Group) qui possède déjà le Balagan, l'Hôtel des grands boulevards ou encore la compagnie des vins naturels, qui se trouve à l'origine de ce nouveau projet. Le côté boissons et cocktails semblent laisser place petit à petit à une volonté de nourrir les gens.
Ne cherchez pas le nom du restaurant il ne figure pas sur cette façade blanche. Tout juste aperçoit-on les équipes tout de blanc vêtues à l'intérieur.
La salle se résume en une cuisine placée en son centre et entourée d'un grand comptoir et de tabourets collés les uns aux autres. J'ai bien repéré une poignée de places avec vue sur mer tournant le dos à la cuisine, mais on m'indique qu'elles ne sont pas utilisées pour le moment, et que l'expérience Shabour, c'est autour de cette grande cuisine que ça se passe. Me voilà donc devant les fourneaux - en spectateur - pour y voir les chefs à l'ouvrage. En l'espace de quelques minutes, j'ai eu au moins la salutation de 5 ou 6 personnes. Manifestement, l'accueil chaleureux fait partie de l'ADN de l'endroit.
Ha, je n'ai pas parlé de la déco. Et pour cause, il n'y en a pas ou si peu. Tout est concentré sur ces pianos de cuisine et ce qui s'y passe. Musique assez forte qui pioche allègrement dans des registres aussi variés que de l'opéra, de la musique orientale ou Dalida. C'est baroque, un peu comme l'endroit.
Pas vraiment d'entrée/plat, mais la carte propose 11 assiettes qui vont de 6 à 42€. Il y en a à tous les prix. Les intitulés sont joueurs : Courage & Co (6€) pour les piments, ou fremavon de la paix pour une originale branche d'olivier prisonnière de pâte à pain (8€), Poulpy Pop pour le babaganoush à la mirabelle (28€). Mais il y a évidemment des propositions aux allures plus traditionnelles avec des intitulés qui ne m'évoquent pas grand chose : Marakitos (34€), Ka-Bar-Vaz (42€), Kreplach Mangal (22€)...? Puis, un intrus, un saumon gravelax qui n'a pas grand chose de levantin sur le papier... 16€. Mais impossible d'être perdu, chefs et serveuses expliquent bien volontiers chaque plat.
Avant même de commander, c'est l'amuse-bouche, une cuillère de glace à l'orange et au Za'atar. C'est percutant comme entrée en matière. Le goût original - salé - vient bien réveiller les papilles. Pas vraiment gourmand, mais ça interpelle.
Un deuxième amuse-bouche arrive ensuite : sur une base d'oeuf, anguille fumée et huile d'olive. Là, je retombe en territoire connu ! C'est très bon et ça donne faim !
Puis vient l'entrée : Haminados. Dans une très jolie assiette (de manière générale toute la vaisselle est assez somptueuse), un oeuf pas tout à fait dur et mariné dans du thé noir, mais pas coulant, recouvert d'une écume de purée de sésame et yaourt, de poutargue. En dessous, notamment des oeufs de saumon. Encore de l'originalité au programme ! Et surtout du goût! car cette somme d'ingrédients ne relève pas du hasard et le résultat fonctionne très bien. Chaque saveur se détache bien d'un ensemble équilibré et cohérent. Très bonne entrée !
Pour le plat, on me prévient à la commande : attention, c'est un plat très copieux généralement pour 2 personnes. "Vous en sentez-vous capable"? A estomac vaillant rien d'impossible ! J'ai une faim de loup. Devant mes yeux le chef sort du four un plat aux bords hauts recouverts de pâte bien dorée. Il découpe le chapeau et laisse entrevoir... une drôle de pâte beige. C'est du tahiné (purée de sésame). En dessous, 3 boulettes de viandes constituées de canard, herbes, aromates et pignon de pin et de petits oignons. Et tout en dessous une généreuse tranche d'une tomate coeur de boeuf. Voilà un plat pour 2 personnes et facturé 42€ quand même, qui me paraît un peu chiche. C'est plutôt bon, même si la viande n'a pas vraiment d'arômes de volaille. On me dit que la recette originelle syrienne utilise de l'agneau... ceci explique cela. La bonne idée vient de cette grosse tranche de coeur de boeuf qui vient apporter un dose de fraîcheur à ce plat lourdaud qui peut vite devenir écoeurant avec la dose de purée de sésame servi. Mais j'en suis venu à bout sans mal.
Pendant que je mangeais mon plat, on me sert un peu du fameux gravelax maison à la betterave. Il a été aussi mariné à la vodka et diverses épices, et je dois dire que cette mini-assiette est délicieuse. De quoi me faire regretter mon plat!
On enchaîne avec un pré-dessert. Encore une glace, cette fois-ci aromatisée à la fraise gariguette et au sumac. Etonnante alliage au goût... bizarre. Pas vraiment bon ni mauvais, juste étrange...
Pour le dessert, je me réfugie dans les bras de la grand-mère du chef Assaf Granit ou du moins de sa recette de compote. Dans une belle soupière, le chef me sert une assiettée généreuse de ce mélange compoté de pêches, nectarines, raisins secs, cannelle, sauge... Ça sent bon, et ça s'avère redoutable ! Très bon et pas trop sucré. Malgré la quantité je n'ai aucun mal à liquider la chose.
En même temps, je me suis vu imposer - malgré mes réticences clairement énoncées - une cuillère de leur mousse au chocolat dont ils ont l'air d'être très fiers.... En guise "d'originalité" affichée, elle est recouverte d'huile d'olive et parsemée de fleur de seul. Tiens? Ça me rappelle quelque chose : le dessert de Salina servi deux jours plus tôt!
Pas de miracle, je n'ai n'apprécie pas ça. La mousse déjà riche, s'en retrouve d'autant alourdie par l'huile qui a quand même l'avantage d'atténuer le goût du chocolat.
Impossible de partir d'ici sans goûter au café cardamome (3,50€). Préparé sur le fourneau - ça change des machines à expresso - il est servi dans une jolie vaisselle et avec la cafetière (de quoi remplir trois bonnes tasses au moins). C'est très bon, et entre l'amertume du café et les parfums sucrés de l'épice, le mariage se passe bien !
La carte des vins va piocher allègrement à l'extérieur des frontières mais ne va pas jusqu'en Syrie malheureusement où un excellent vin y est produit. Je m'arrête donc sur un pinot gris de Vénitie, Frassenelli 2017 à 7€. Excellent vin servi généreusement dans un grand verre. Le prix des bouteilles varie de 32€ à 280€.
Voilà l'heure de l'addition : 82,50€. Ce n'est pas donné, donné, mais pour leur décharge je me suis fait plaisir avec le plat le plus cher de la carte normalement destiné à nourrir 2 personnes. Shabour mélange des style : gastronomique dans sa manière d'appréhender le repas avec forces amuse-bouche, jolie vaisselle et tout le tralala, mais laisse de côté les manières guindées et les présentations des plats chichiteux. Se dégage alors une réelle identité à ce lieu à peine ouvert, où la chaleur humaine est l'atout numéro 1. La configuration même des lieux oblige au partage et à l'ouverture, surprises gustatives à la clé. Voilà un lieu qui ne peut pas laisser indifférent.
Shabour
19, rue Saint-Sauveur
75002 Paris (métro Sentier)
Tel : non, réservation uniquement sur internet
Fermé tous les midis et le dimanche toute la journée
Les +:
_ ambiance unique qui devient de plus en plus joyeuse et festive plus la soirée passe (on m'annonce un 3ème service vers 23h assez foufou)
_ des saveurs surprenantes qui sortent des sentiers battus
_ bons vins
_ Difficile de faire plus convivial
_ superbe vaisselle
Les -:
_ des dressages peu soignés
_ des prix qui peuvent s'envoler
_ des recettes à roder
Serviette en tissus | ✅ |
Changement de couverts à chaque service | ✅ |
Nappe en tissus | ❌ |
Bonne réception mobile | ❌ |
WiFi gratuit | ❌ |
Musique inutile en fond sonore | ✅ |
Adapté pour les enfants bien élevés | ✅ |
Volume sonore moyen | 65dB |
Toilettes bien entretenues | ✅ |
Même menu midi et soir (hors formule) | NA |
Réservation possible | ✅ |