Garance (Paris 7) : le parangon de la vertu

Difficile de faire plus vertueux que Garance. Riche d'une exploitation fermière de 160ha, TOUT (ou presque) est fait maison du champ à l'assiette, pour servir une cuisine précise, gourmande et aux accents délicieusement rustiques. Une adresse bien dans son époque.

Il y a les adresses qui valorisent les produits bio, puis celles qui jouent la carte locavores, et aussi les restaurants où tout est fait maison (même le pain et la charcuterie...), mais Garance va plus loin ! Grâce à une exploitation familiale dans le Limousin, ce restaurant vise l'auto-suffisance en fruits, légumes et viandes ! Le tout en mode permaculture. On se trouve loin des fables des potagers sur le toit qui ne sont bons qu'à fournir quelques herbes aromatiques, ou même d'un Polmard qui propose "seulement" des viandes issues de la ferme de l'enseigne. La promesse est spectaculaire, inversement à la devanture anthracite très discrète dans la rue Saint Dominique.

Au rez-de-chaussée, on peut voir la cuisine ouverte, mais la salle à manger se situe à l'étage. Ambiance chic et un peu précieuse pour les quelques tables disposées dans un décors blanc. Une autre salle plus discrète permet de passer inaperçu. AUCUNE musique en fond sonore! Je vais pouvoir me concentrer sur mon assiette. Mais malgré ça, ici, on se sent bien, et on ne chuchote pas aux autres tables.

Pour aider à la concentration lors du choix du menu, une petite brioche à l'huile d'olive est proposée sur un billot. Simplement délicieuse et gourmande. 

Un menu déjeuner est proposé à 42€ seulement, avec 2 entrées et 2 plats au choix auxquels il faut ajouter la proposition du jour moyennant finance. Sinon, 3 autres menus : l'un, presque végétarien en 4 services à 68€, un autre à 78€ (4 services aussi) et enfin un ultime à 98€ pour 6 services.

Puis arrive une dame d'un âge incertain mais poussé, outrageusement fardée et vêtue d'une robe à baleine improbable en 2020, suivie d'un effluve d'un parfum qui sature l'espace en un instant ! Gloups, la bouteille a dû y passer ! Heureusement, cette odeur contraire à tout bon goût va rester dans son coin. Apparemment, avec son mari, ce sont des grands habitués... à l'instar de la quasi-totalité des convives ici.

En guise d'amuse bouche, une crème de topinambour et chantilly sarrasin. Evidemment, pour Garance, les saisons sont sacrées. Et ça, ça fait du bien ! Ce démarrage commence bien, sans flamboyance tout de même. Des saveurs profondes et bien accordées, mais rien de fou.

Puis arrive la première entrée (qui était aussi menu déjeuner, sachant que j'ai pris le menu surprise à 68€) : Carpaccio de boeuf de la ferme, noisette, condiment champignon. C'est joliment présenté. La couleur de la viande est saisissante. Elle s'avère très persillée. Cette petite chose est bombesque ! C'est délicieux! L'accompagnement noisette/champignon fonctionne parfaitement sans recouvrir le goût de la bonne bidoche bien présente. 

Un peu de temps avant que la suite n'arrive : Ravioles de chevreuil, truffe et jus corsé. Là, c'était l'entrée en suggestion du jour (avec un supplément à 14€ par rapport au menu déjeuner). L'odeur enivre de bonheur. A l'intérieur de la pâte, un effiloché fondant de gibier. Avec la truffe et le jus, c'est si bon ! Des notes de retour de chasse rustiques se dégagent des goûts puissants et profonds, tellement profonds.... ! Le jus, une petite merveille, se finit à la cuillère puis avec le délicieux pain (fait maison avec l'aide de Ten Belles Bread). Quel bonheur ! 

Certes, j'ai encore attendu un peu avant de voir arriver la suite, mais à la vue de ce plat, j'oublie vite ça, et je m'émerveille devant cette beauté : Volaille rôtie, sauce matelote, beurre blanc cardamome, céleri. La peau roussie du poulet (qui ne vient pas pour l'instant de la ferme lui !) est magique. Je n'en ai jamais vu de telles, une perfection ! La viande, tendre rend encore du jus. Et cette sauce! Mais vraiment, c'est un délice ! Oignons brûlés et céleri en risotto se mêlent avec justesse à tout ça pour donner de la gourmandise à en revendre. Du pain, vite que je sauce ! J'avoue que c'est dans ce genre de moments que j'apprécie la solitude et l'absence de musique pour me plonger intégralement dans la dégustation, et jouir en paix des papilles.

Pfiou ! Je me sens à la ferme. Remarquable story-telling par l'assiette uniquement, c'est formidable.

En dessert, la Marmelade orange camomille joue avec les texture. Pas fan de l'opaline qui colle aux dents, mais tous le reste fonctionne bien. Les saveurs sonnent juste entre l'amertume de l'agrume et la rondeur de la camomille. Cette assiette ne dure pas longtemps !

La carte des vins met en avant des vignerons de talent, et je me vois conseiller (fort justement pour ce repas) un verre de riesling 2018 du domaine Mader à 10€. Un peu cher (coef 3,5), mais tellement bon ! 

Le café de la Brûlerie de Varenne (5€) est servi avec une chips de céréales (délicieuse) et un petit financier. Voilà qui me permet d'atterrir en douceur après être monté haut, très haut dans les strates du bonheur gastronomique pour une addition finale de 93€. Voilà un restaurant (et un chef) qui a tout compris : produits d'exception issus d'une filière on ne peut plus courte, des goûts qui racontent cette histoire tout au long du repas, de la personnalité et du bonheur gourmand...

Quoi? Garance n'a pas d'étoile? Il y en a vraiment qui ont des trains de retard !

Garance
34 Rue Saint-Dominique
75007 Paris (métro Invalides)

Tel : 01 45 55 27 56

Fermé samedi et dimanche

Les +:
_ une démarche responsable exceptionnelle qui devrait servir d'exemple pour beaucoup (bon, d'accord, il faut avoir les moyens!)
_ du goût, de la gourmandise pour des assiettes bien pensées et soignées
_ très bon pain pour très bonnes sauces et jus délicieux
_ accueil remarquable. Le Story telling se fait avant tout dans l'assiette, et en cas de question, on entend la passion s'exprimer dans les réponses!

Les -:
_ vin un peu cher
_ service peut paraître longuet

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