Tout juste auréolé du prix de la meilleure entrée à l'Excellence Gastronomique Lebey, direction L'Arcane dans le 18ème arrondissement pour y découvrir la cuisine de Laurent Magnin, 1 étoile Michelin. Seulement?
Du côté de Montmartre se dresse une jolie petite terrasse devant un immeuble élégant. L'Arcane de Laurent Magnin, attend sagement ses clients affriolés par son étoile Michelin et ses diverses récompenses, dont le Lebey 2020 de la meilleure entrée. C'est d'ailleurs lors de cette soirée de L'Excellence Gastronomique que j'ai croisé le chef, me donnant ainsi l'envie d'aller dans son établissement.
A l'intérieur, moquette épaisse au sol, peintures contemporaines aux murs, jolis luminaires et mobilier design, et, clou du spectacle, une large fenêtre qui laisse apercevoir les toques de la brigade en action dans la cuisine ! Pour combler le silence, un fond musical...
A l'Arcane, on part à l'aventure avec des menus à l'aveugle uniquement. On soumet allergies, interdits ou dégoût, et zou! C'est parti pour 3 (menu déjeuner à 55€), 4, 5, 6 ou 7 services ! En fait, sur une base entrée, plat et dessert, chaque formule s'enrichit d'un dessert ou d'une entrée supplémentaire. Comptez de 90€ à 155€, sachant qu'on ne retrouve pas les plats de la formule déjeuner (plus simple) dans ces menus dégustation. A chaque fois aussi, un accord mets-vin est proposé, de 48 à 95€ selon le nombre de verres (de 4 à 7!). Vous connaissez ma politique à présent, quand on est au bal, on danse ! C'est parti pour 6 plats et 6 verres !
Dès les "bouchées apéritives", le ton est donné : énorme technicité et goûts intenses ! Ainsi je retrouve sur ces petits galets de l'anguille fumée avec une légère gelée au dessus totalement "umamiesque", un micro-bao au tourteau carrément délicieux, une moule croustillante (coquille reconstituée à manger) pleine de peps et de saveur, et enfin un parfait cube glacé de gin tonic complètement percutant! Rarement connu ce déferlement de saveurs en 4 petites bouchées. Mes papilles s'enflamment et mon appétit déborde !
Un petit godet sympathique de vin corse, du Clos Culombo, storia di Carbessu 2018 accompagne le tout. mais attention, ça ne fait pas parti de l'accord ! C'est en plus, un apéro quoi ! Vin plein d'arômes qui viennent s'ajouter à ces bouchées.
Place ensuite au service -1 : l'amuse-bouche. Sur une base de purée de petits pois, un montage savant aussi spectaculaire que bon ! Fraîcheur, relief, intensité des saveurs, tout y est !
A une table à côté, un couple dont l'origine ne laisse pas de doute à l'écoute de leur accent, des Québécois donc. L'homme, fier à bras et à la parole sûre, demande un accord mets-vin à l'aveugle histoire de jouer aux dégustateurs éclairés. Après, il choisit dans la longue liste des vins, un verre pour l'apéro et rembarrant le sommelier sur son premier choix en lui disant qu'il connaît déjà très bien ce domaine, et qu'il l'avait déjà visité avec sa blonde l'an passé. Humilité = zéro. Je vais voir comment il va s'en sortir par la suite...
Finis les frivolités du départ ! C'est le début du grand jeu avec cette incroyable revisite de la salade niçoise par le chef Laurent Magnin. C'est magnifique. D'une précision d'horloger. Thon cru, maquereau mariné, glace anchois, mini-légumes croquants, mini-olives de folie, quand tout se mélange en bouche on retrouve bien les indicateurs du plat traditionnel mais démultipliés côté saveurs ! Une grande claque ! L'Entrée parfaite ! Et je veux bien comprendre que sa revisite de vitello tonnato, dans le même esprit, ait reçu le Lebey de la meilleure entrée. Du très grand art !
Un verre de rosé légèrement perlant du Mas Mellet, Lilly Rose, accompagne cette entrée. Cependant, et malgré son corps bien présent, il s'efface face aux saveurs formidablement percutantes du plat.
Notre ami québécois a eu son premier godet à l'aveugle. "alors ça, déjà, c'est du chardonnay" assure-t-il.
_ Non.
_ Bon, alors au moins c'est un vin français
_ oui, enfin avec une petite nuance...
_ moi je pensais à un chinon de Loire rajoute madame
_ pour vous aider, il s'agit d'un cépage plutôt du sud avec beaucoup de soleil et cultivé en altitude.
Là, le couple sèche. On les entend moins. C'est sûr, un vin corse (le même que j'ai eu en apéro), ce n'est pas facile à trouver. Je crois que le sommelier les a calmés.
Entre chaque service, il y a une petite attente idéale pour se régaler du pain au levain de la boulangerie des 2 Frères, avec un bon beurre salé.
C'est autour de l'Aiguillette de saint pierre, basilic, curry doux de prendre place devant moi avec sa cohorte de parfums. Encore un dressage parfait et spectaculaire. Un mélange aussi curieux que réussi, mais qui prend une toute autre ampleur grâce au vin servi avec : un chenin de Loire, du Clos des Benaces 2016. Un mariage magique en bouche qui booste les saveurs comme rarement j'ai eu l'occasion d'expérimenter. Peut-être le meilleur accord mets-vin testé cette année, c'est juste fantastique !
Mais ce festival ne s'interrompt pas par la suite : Gambera, linguine encre de seiche, chipirons, jus de têtes. Splendide. Une sauce qui concentre autant les saveurs, c'est rarissime. Voilà l'un des meilleurs plats que j'ai mangé cette année incontestablement ! Je ne perd pas une goûte de tout ça, et j'ose saucer. Car oui, même si Nadine de Rothschild s'oppose à cette pratique, je sauce même dans les restaurants étoilés. Vous ne m'enlèverez pas ma liberté de saucer
Pour l'accompagner, un classique pouilly fuissé du domaine Cornin. Bien connu mais toujours bien bon.
Le couple d'amateurs de vin, se montrent plus prudents sur leur vin rouge. Ils n'ont trouvé que la couleur! Je n'entends pas finalement le domaine dont il s'agissait, mais là, l'homme clame haut et fort "ha oui, on les connais, on a même visité le domaine" ! C'est plus fort que lui, il doit la ramener... pour impressionner sa blonde?
C'est l'heure à présent du seul et unique plat de résistance du menu : la caille. Une grande assiette en bois avec une foultitude de petites choses : raisin, purée de chou-fleur, noix de cajou, feuilles de capucine, filet... A côté d'affriolantes petites pattes de cailles dressés comme des cuisses de grenouille. Et encore à côté un bol avec une salade d'herbes et des girolles. On découpe ensuite - non sans mal -, un filet de caille rôti devant moi. Un seul? Mais que va-t-il advenir de l'autre?
Je pense a voulu donner une impression de feu d'artifices avec cette méta-composition qui se perd un peu. Là où toutes les entrées étaient parfaitement lisibles, avec une ligne conductrice compréhensible, ici je me perds un peu avec ce ludisme un brin inutile. Attention, ça reste très bon, mais en-dessous du reste.
En tout cas, ça a été pour moi l'occasion de découvrir une appellation totalement inconnue : le cabardès. Ce vin -cabernet franc / Syrah - vent d'est du Domaine Cabrol, est étonnant. Bien structuré avec une belle attaque fruitée. Allez, pour me faire patienter, le sommelier me ressert même un petit gorgeton, comme si je n'avais pas encore assez bu. Hips !
Pour son dernier verre, miracle, notre ami d'outre-Atlantique, un peu désabusé tout de même lance un "vin du Jura" sans même y croire avec son dessert.... Et bingo ! Il a trouvé !
On passe à la partie sucrée avec une Panna cotta au safran d'Alsace, sorbet framboise poivron rouge. Toujours autant de précision dans les visuels des plats. Là aussi on en prend plein les papilles, et ça ne rigole pas avec le safran. Ca peut dérouter... idem avec la glace poivron très marquée. Mais ce n'est qu'en dégustant les deux ensemble que le dessert prend sens !
Mieux, avec l'improbable accord - Mattei Cap corse blanc au bon goût de médicament - la liaison se fait avec justesse et bonheur ! Un deuxième accord magique dans le repas, c'est rare ! Sans cette alliance, je pense que ce dessert doit diviser... et c'est le cas d'après ce que j'entends à la table d'à côté qui n'a pas vraiment apprécié.
Allez, une petite rasade en plus histoire de me terminer. Je suis gris.
Et pourtant, ce n'est pas fini ! Voici le dernier dessert : Figue, glace au lait de brebis. Un dessert plus simple et moins clivant, et qui avec le vin de dessert - Don Pedro Jimenez 1987 qui titre à 17°... - s'accorde bien. Je refuse tout de même d'être resservi cette fois-ci, je veux être sûr d'être en mesure de pouvoir composer mon code de carte bancaire.
La salle se vide. Déjà presque 3 heures que je suis à table. Et je ne me suis pas ennuyé un instant !
Un petit café Lomi (5€) qui va bien et un joli quatuor de mignardises : micro-tarte mirabelle, dôme chocolat, sphère tatin et pâte de fruit. Jolie fin. L'Arcane vaut le détour pour se payer une table gastronomique riche en émotions. Vous ne trouverez pas souvent une telle alliance d'un technique aussi parfaite avec des goûts parfaitement assurés. Alors, quand vient l'addition - 230€ - ça ne pique pas trop. De toute façon je suis trop saoul pour bien m'en rendre compte !
L'Arcane
52 Rue Lamarck
75018 Paris (métro Lamarck Caulaincourt)
tel : 01 46 06 86 00
Fermé dimanche et lundi, et au déjeuner du mardi au jeudi
Les +:
_ cuisine d'exception
_ quelques accords mets-vins magiques
_ précision redoutable dans les assiettes
_ du caractère et de la créativité
_ service pro
Les -:
_ le plat un peu déconcertant par rapport au reste
_ une cuisine qui demande souvent l'accord du vin pour s'exprimer totalement
Serviette en tissus | ✅ |
Changement de couverts à chaque service | ✅ |
Nappe en tissus | ✅ |
Bonne réception mobile | ✅ |
WiFi gratuit | ❌ |
Musique inutile en fond sonore | ✅ |
Adapté pour les enfants bien élevés | ❌ |
Volume sonore moyen | 45dB |
Toilettes bien entretenues | ✅ |
Même menu midi et soir (hors formule) | ✅ |
Réservation possible | ✅ |
Vin au verre goûté avant d'être servi | ❌ |
Végétariens bienvenus (au moins 1 entrée et 1 plat) prévenir à la réservation | ✅ |
Pain : pain au levain ou traditionnel de très bonne qualité |