Ce soir, je fais Abstinence. Non pas que je me prive de quoi que ce soit, bien au contraire, mais je me rend dans le nouveau restaurant où Lucas Felzine officie. Très bonne surprise !
Du côté de l'avenue de La Motte Piquet, les boui-bouis aux terrasses déployées font le plein en ce dimanche soir pluvieux. A chacun de proposer ses "happy hour", sa musique de jeune et sa cool attitude. En haut de cet axe, une nouvelle adresse a ouvert ses portes : Abstinence. Drôle de nom pour un restaurant. Logo chiadé, et déco extérieure plus que soignée. On a affaire ici à un exemple même de marketing gastronomique. Même les serveurs arborent un même tee-shirt avec la devise du lieu placardée sur le dos : "Eat, drink, love". Rien ne semble avoir été laissé au hasard ici. Ce qui m'inquiète évidemment, car j'en ai fait des tonnes d'adresses tape à l'oeil, où tout il est beau (clientèle incluse) et tout il est mauvais. Je ne citerai pas en exemple les adresses du groupe Moma pour ne pas non plus insister sur les désillusions rencontrées à chaque fois. Je suis beau joueur, laissons tranquille les Ran, La Fontaine Gaillon et autre Froufrou.
Ici, c'est le chef sud-américain, Lucas Felzine qui officie. J'avais déjà eu l'occasion de goûter sa cuisine (et son infernal gyoza de canard laqué) chez Uma avant que ce dernier ne ferme ses portes
Dans la salle, un mobilier bien choisi et un comptoir magnifique. Le lieu a de l'allure. Côté menu, on retrouve bien la patte fusion du chef avec quelques touches bling bling : oeuf mimosa au caviar, Crème d’artichaut à la truffe d’été et poivrades frits, avec des tarifs confortables mais pas fous. Des entrées qui vont de 14 à 20€ et des plats de 21 à 36€. Au déjeuner, existe un menu à 35€.
J'entame ce voyage par un prometteur Maquereau en escabèche de Prosecco, melon au Génépi (16€). L'assiette est jolie - vaisselle et dressage. Pas mal de travail entrepris dans cette assiette ! Ce seront mes premières giroles de l'année ! Le maquereau mariné a été retravaillé aussi à la flamme. C'est frais, et le goût puissant du poisson est bien mis en avant. Le mariage complexe des saveurs fonctionne bien, et cette petite amertume du prosecco est la bienvenue pour contrebalancer le sucre du melon. Rien à redire, je n'en fais qu'une bouchée!
Le pain de Thierry Breton servi tiède régale tout autant pour saucer l'assiette.
Pour le vin, la carte s'avère courte et se repose sur des noms bien connus. On y croise par exemple Jacky Blot ! Pour ce repas je prends un verre de bourgueil, Trinch, du domaine Breton (8€). Très léger et bien fondant. Impec'!
Si la salle n'est pas bondée, elle se remplit gentiment. Là un sexagénaire qui commande ses oeufs au caviar et à côté de moi un couple de trentenaires qui ne goûte pas de choisir leur menu sur smartphone et demande la version papier. Et commence ainsi leur exploration...
Avant de choisir le plat, je m'assure bien que "le boeuf maturé" appartient à une race de qualité. C'est de la Galice ! Miam! Je fonce pour 36€ Cette pièce de viande est servie avec du maïs, des salicornes et des cerises notamment. Il fallait oser ! Le jus pour sa part est corsé au thé. L'ensemble se révèle harmonieux et original. Viande délicieuse. Les notes de cerise du vin s'accordent au poil avec ce plat !
A côté, le couple semble bloqué sur la première page du menu. Valse hésitation. Recherches sur le net. Toujours est-il que la serveuse, très patiente, les laisse se décider tranquillement, puis vient leur proposer les cocktails. Elle leur répète ainsi 3 fois la liste des production maison. Aïe ! un nouveau dilemme ! Choix cruel à faire en couple ! Que choisir? Finalement, ils se décident pour deux verres un peu au hasard ("heuuuu, le 4ème"). De quoi leur laisser le temps de choisir ce qu'ils vont manger ce soir !
Si je n'avais fait qu'écouter mes plus bas instincts gourmands, je me serais jeter sur le Millefeuille vanille, cacahuète grillée et caramel. Mais je suis encore plus intrigué par les Petits pois, sureau et framboise. Je tente l'aventure, pour vous lecteurs ! Arrive l'assiette avec toujours cette belle présentation. Un sorbet, crème de petits pois, coulis de sureau, des fraises et un biscuit joconde. Le tout fonctionne très bien à nouveau. Je me régale pour 13€.
Quand arrive le temps du café, je demande avec quelle maison ici on travaille. Quelle belle surprise que d'apprendre qu'ici on bosse avec Ajour. Je prends donc ce très bon café (3,50€ seulement!) avec une remarquable longueur en bouche. Le patron vient me demander mon avis sur le café, car en amateur éclairé, il n'est pas peu fier de son jus ! Pourtant, des clients lui ont déjà fait des retours négatifs me dit-il. Que voulez-vous, quand on a été éduqué au café Richard sur-brûlés pour cacher la misère, difficile de changer ses habitudes pour apprécier à sa juste valeur de vrais cafés de spécialité particulièrement aromatiques et torréfiés à la perfection !
L'addition finale s'élève finalement à 76,50€. Pas donné, mais quel plaisir de voir une vraie cuisine d'auteur avec des prises de risques assumées et réussies et surtout avec de magnifiques produits entrepris à commencer avec le pain jusqu'au café. Si je dois noter un point négatif pour ma soirée, c'est une nouvelle fois la musique qui vient interférer le plaisir de déguster de la vraie cuisine. Autant dire, un détail !
Ha, au fait, je ne saurai pas ce que le petit couple d'à côté a choisi. Je suis parti avant que leur décision (manifestement très importante) soit prise...
Abstinence
47 avenue de la Motte Piquet
75015 Paris (Métro Motte Piquet)
Ouvert tous les jours
01 42 77 80 09
Les +:
_ endroit chic, moderne et bien décoré
_ des plats originaux avec une vraie patte d'auteur
_ de beaux produits entrepris
_ service pro et agréable
Les -:
_ tarifs qui peuvent paraître élevés, d'où l'intérêt du menu déjeuner à 35€
_ musique toujours et encore inutile