Situé à 27m environ des bureaux de mon amie Marie, je ne pouvais que l'attendre pour essayer Eclipses, un nouveau restaurant gastronomique aux bonnes manières du 7ème arrondissement.
Après une matinée pluvieuse, il fait beau ce midi à Paris. Peu importe, pas de terrasse pour la nouvelle adresse du jeune chef Cyril Choisne. Fort de sa dotation Gault et Millau et surtout de son expérience auprès de grands chefs (Jean-François Piège, Guy Martin, Christian Le Squer), il a décidé de viser très haut avec une table gastronomique très ambitieuse, Eclipses. Il y vise clairement l'étoile, et donc standing et prix s'y avèrent confortables.
De l'extérieur, entrée discrète. Tons gris élégants, et petit vestibule pour accueillir la clientèle.
Je découvre alors la salle. Maris s'y cache déjà. Engoncée devant une alcôve, elle peut passée inaperçue. Très joli parquet au sol, tables espacées, mobilier contemporain et sur chaque table, une bougie éteinte et une rose rouge passion. Le romantisme à l'honneur façon grand restaurant français ! Manque tout de même le violoniste ou le pianiste (ironie), mais il y a quand même la musique au mètre style piano bar. On n'est pas loin du kitsch ou du moins du cliché, vous savez la traditionnelle représentation du resto français dans les films américains !
Le service, tiré à 4 épingles, est très attentionné. Marie hérite d'une carte muette (menu sans les prix). Ça existe donc encore ! Certes, un soupçon sexiste, j'aime bien ce principe quand il s'agit de chiner sévère. Mais, là, avec Marie, c'est plus drôle qu'autre chose ! Il faut dire que les prix ont de quoi en faire défaillir certaines : des entrées qui naviguent entre 24 et 41€, et des plats entre 41 et 56€. On se situe bien dans la fourchette des restaurants 1 étoile. Des menus sont aussi là pour adoucir l'addition : au déjeuner, c'est 36€, un prix très raisonnable ! Mais il y a aussi les traditionnelles dégustations à 69€ (5 services) ou 89€ (7 temps). Les produits nobles sont omniprésents : truffe (hors saison), foie gras, homards bretons (pas vraiment la saison non plus), langoustines (ouf, là c'est encore la saison!)... On évite quand même les fruits rouges en dessert!
En même temps que la carte nous est proposée une espèce de gressin en pâte feuilletée géant, au très bon goût de beurre. Idéal pour avoir les doigts bien gras... rendant délicate la manipulation des menus. L'intention était louable.
Sous une cloche enfumée arrive l'amuse-bouche : un méli melo de champignons, avec une crème d'épinards (?) et une écume de champignons de Paris. Le tout a donc été fumé. Voilà de belles saveurs d'automne ! C'est vraiment très bon. J'aurais bien saucé à fond mon assiette creuse, malheureusement, ce n'est pas l'heure pour avoir du pain...
Je suis seul à prendre une entrée - à la carte - l'impécunieuse Marie n'ayant pas prévenu son banquier qu'il pourrait y avoir soucis. Foie gras de canard aux truffes, betteraves confites à l'ancienne, nuit des thés. 36€ quand même. La présentation se veut chiadée et spectaculaire avec , telle une mini-pyramide, deux triangles de foie gras montés l'un contre l'autre, et autour quelques points de sauces colorés et un feuilleté en équilibre. A vrai dire, je trouve ça kitsch à souhait ! Par contre, immense plaisir de voir que pour manger ce foie gras on évite le traditionnel toast unique pour avoir une collection de mini-pains briochés maison du plus bel effet !
Je dois me résoudre, la mort dans l'âme, le coeur gros, les larmes aux yeux, à partager mon entrée avec Marie la pauvresse, le chef lui ayant préparé une assiette avec les jolis points de sauce et tout et tout... Clairement un plan drague.
Sous la pyramide, de la gelée de thé au goût pas très puissant, si bien qu'on arrive au final avec un bon foie gras au goût truffé très peu prononcé... Classique au possible.
Pour le plat, j'ai eu le droit à une déception puisque je visais le pigeon et qu'on m'annonce qu'il n'y en a pas. Dans un restaurant de ce standing, ce serait bien d'annoncer à l'avance que l'un des 5 plats de la carte n'est pas disponible. Je suis triste, d'autant que l'autre plat qui me fait de l'oeil est ce cochon de lait fumé... pour 2, et l'indigente mais gourmande Marie est partie sur les ris-de-veau. Me voilà à me résoudre à prendre un Bar de ligne noisette, lit de jeunes poireaux, tonka, jus perlé qui arrive après une attente qui ne s'est pas fait sentir grâce à la merveilleuse conversation que j'ai avec ma camarade, mais quand même. Assiette carré géante pas très jolie, avec un beau pavé de bar, 4 espèces de maki de poireaux, une jolie sauce et un trait noir au charbon. C'est maniéré et léché, mais la vaisselle gâche un peu ce travail visuel. Le poisson est bien cuit, mais frôle la sur-cuisson. On n'est passé pas loin du drame ! Les petits makis sont délicieux et frais, quant au jus, c'est un régal. Les gros mangeurs en seront pour leur frais avec ce plat à 48€!
D'autant que pour le pain, on a le droit d'en choisir un mini parmi une impressionnante collection faite maison. Mais aucun bien conçu pour saucer. C'est sans doute à cause des imprécations de Nadine de Rothschild.
Marie pas si fauchée que ça a donc opté pour la Pomme de ris de veau sur bois de rose, minute d'oubliés facturée tout de même 44€. Avec le cochon, c'est son péché mignon absolu. Et je la vois quasi-défaillir quand elle goûte son abat. L'extase. Et c'est vrai qu'il est fantastique, gourmand, goûteux, juteux. Une vraie réussite. Et elle a le droit à un dressage plus dans l'air du temps avec une vaisselle moderne.
Marie, peu bec sucré, enchaîne avec le "plateau de fromages" (15€). C'est toujours un immense plaisir dans ces belles maisons que de voir arriver un guéridon sur lequel repose une collection de fromages bigarrés et pour certains inconnus, et de choisir une sélection faite de découvertes et de valeurs sûres! Mais là, rien de tout ça. S'il y a bien le guéridon, le plateau ne se compose que de 5 petits bouts de fromages, et pas bien rares : brie, sainte-Maure de Touraine, comté, saint marcelin et fourme. On précise qu'elle peut prendre un morceau de chaque! Heureusement ! Pourquoi proposer un si maigre plateau, si déceptif? Une sélection à l'assiette aurait été un meilleur compromis.
Pour ma part, j'ai le droit à un pré-dessert à base de granité à l'orange et suprême de pamplemousse, très rafraîchissant et agréable.
Puis le serveur me dit, le sourire aux lèvres, "vous êtes prêts pour le concombre"? Sorti de son contexte, ça peut prêter à confusion!
Piqué par la curiosité, j'ai pris le Concombre, passion mascarpone, type torrone ghiacciato, instant cognac au dessert. Une espèce de cactus un peu informe (certains sur Instagram, manifestement bien renseignés sur la question, l'ont qualifié de sexe de Shreck), dressé dans une demi-coque de fruit de la passion, avec trois franfreluches de sauce en guise de déco, et une nouvelle fois dans une vaisselle vraiment démodée. Un peu de fruit de la passion frais sur le dessus, et comme un parfumeur, le serveur active son flacon pour vaporiser une lichette de cognac dessus. Qu'ai-je donc choisi-là? Pourquoi cette curiosité? C'est quoi cette chose? Au goût, c'est... particulier. Il y a comme un côté nougat glacé mais pas vraiment sucré. Le goût du légume est léger mais présent. Cependant, sur le versant de cette mini-montagne où a été rajouté l'alcool, on parvient à quelque chose de meilleur. D'ailleurs, je le fais remarquer et bénéficie d'une petite rallonge sur le restant de mon dessert à 19€.
La carte des vins au verre ne va pas chercher midi à 14 heures, et va à l'essentiel. Prix entre 12 et 14€, domaines sérieux mais pas prestigieux. On a pris un godet de pinot noir Côte de la Charité de Serge Laloue 2018. Un bon vin très jeune qui dénote tout de même avec le standing sophistiqué de l'endroit.
Avant de voir arriver la douloureuse, la présentation des belles mignardises fait son effet : c'est très joli cette collection de tartelettes - framboise, citron, chocolat. Classiques, sucrées mais bonnes, ces petites douceurs sont un petit plaisir.
Mais voilà le moment compliqué, celui qui peut faire s'arracher les cheveux de son banquier, c'est l'heure de l'addition. Tel un croque-mort, on me donne d'office de précieux document. Je découvre... 186€ à deux ! Marie endosse 80€ me laissant mes 106€ de mon côté. L'ambiance surannée voire démodée étonne pour un tout jeune établissement. Eclipses vise haut mais s'avère très sage, et quand il dérive vers de l'originalité comme avec ce dessert au concombre, ça ne fait pas mouche. Il va falloir sérieusement roder tout ça, moderniser les présentations pour décrocher si ce n'est la lune, au moins un macaron. Maintenant, c'est un endroit conçu clairement pour jouer la carte du romantisme à l'ancienne, comme dans un film Disney.
Eclipses
27 29 Rue de Beaune
75007 Paris (métro Rue du Bac)
Tel : 01 40 13 96 42
Fermé samedi et dimanche
Les +:
_ charme désuet des belles manières
_ beau travail sur les sauces et les jus
_ ris de veau de collection
_ menu déjeuner à 36€
Les -:
_ beaucoup de classicisme qui peut virer au kitsch
_ des dressages pas toujours du meilleur goût
_ peu de personnalité dans les assiettes
Serviette en tissus | ✅ |
Changement de couverts à chaque service | ✅ |
Nappe en tissus | ❌ |
Bonne réception mobile | ✅ |
WiFi gratuit | ❌ |
Musique inutile en fond sonore | ✅ |
Adapté pour les enfants bien élevés | ❌ |
Volume sonore moyen | 57dB |
Toilettes bien entretenues | ✅ |
Même menu midi et soir (hors formule) | ✅ |
Réservation possible | ✅ |
Vin au verre goûté avant d'être servi | ✅ |