Je le savais ! Je n'aurai jamais dû poser la question pour savoir si je devais aller tester le dernier-né de la multinationale Big Mamma, Libertino. Contraint, j'y suis allé, mais je m'attendais quand même à mieux...
Un jour, alors que la pression de l'investissement se faisait plus pressante, les hautes instances du groupe Big Mamma se réunirent. Après de longues heures de réflexion, l'un d'eux dit :"faut pas oublier en Italie, les plus grosses pompes à fric, ce sont les restos à touristes!". Tous d'opiner. Mais "on est en France Ici, et il y a plein de restos à touristes déjà!". Tous d'opiner encore. Quel poisse ! Quand soudain Jean-Thimothée balance "enfin, faut bien se dire qu'il y a toujours plus de locaux que de touristes....". "Oui, s'écrie l'un d'eux, des "locos", il y en a plein ! Et si on les transformait en touristes chez eux?". Et tous d'applaudir avec quelques sifflets de béatitude. Libertino était né. Evidemment tout ceci n'est que pure fiction, et c'est sans doute pétri de pleins de bonnes intentions gastronomiques que cet établissement a vu le jour.
Je vous avoue, j'avais des doutes avant d'y aller. Je vous ai donc benoîtement posé la question en sous-estimant un peu votre sadisme crasse. C'est de ma faute, je suis donc bien contraint de répondre à la vox populi et de m'asseoir dans ce temple de l'industrie agroalimentaire.
Bonne nouvelle, contrairement aux autres boutiques Big Mamma, les réservations sont possibles ! Mauvaise pioche, impossible de réserver pour 1. Logique aussi quand on s'appelle Libertino de ne pas accepter les hommes seuls ! Bon, me voilà à arpenter Paris (c'est toujours les grèves) pour atteindre un objectif que j'appréhende un peu mais en espérant tout de même une bonne surprise.
J'arrive à 12h04. Il y a déjà une dizaine de personnes qui fait la queue. La plupart ont réservé. D'où l'intérêt de la réservation ! (blague). J'attends moins de 3 minutes avant que l'on m'installe au "comptoir", en fait une grande table haute en zinc, juché en haut d'un tabouret bancal. Je n'ai pas intérêt à trop bouger. Pas de risque non plus, on est épaule contre épaule avec les voisins. Pour l'instant je n'ai pas de vis-à-vis, mais ça ne saurait tarder.
Parlons un peu déco, c'est quand même le point fort de la firme, et je n'ai franchement jamais eu rien à redire. Ici, ils suivent visiblement leur thématique "piège à touristes" en plaçant du kitsch partout ! Pire qu'une pizzeria Pizza Pino ! Ça fait toc, et avec la bande son qui enchaîne les clichés musicaux, on se retrouve bien dans ces grands rades italiens proches des attractions touristiques et désertés par les habitants du cru.
Qui dit piège à touristes, dit carte à rallonge. Bingo ! Un format A3 verbeux qui comme tout attrape-nigauds international propose des traductions vers la langue touristique (ici le français). En fait, la carte se compose des produits bruts (qui dans mon souvenir de Pink Mamma n'étaient pas mauvais) : une burrata à 12€(!), du jambon ou de la coppa à 8€, ou de la stracciatella fumée à 7€.
Il y a bien quelques "antipasti" qui font appel à un peu de cuisine, de 7 à 11€. Les plats de pâtes vont de 13 à 18€ (pour les fameuses pâtes à la truffe servies toute l'année, là, ce n'est pas une blague). Inévitables pizzas de 36cm (mais sur une épaisseur qui ne dépasse pas les 5mm d'épaisseur, garnitures comprises) entre 14 et 20€ et quelques plats (11 à 30€) complètent le tout.
Dans la catégorie détails croustillants, je note la côte de boeuf à 30€/personne. Pas chère me direz-vous, sauf qu'elle est pour 4 et ne pèse que 1,5kg. Autant dire qu'ailleurs, elle est pour 2 ! Autre petite chose qui m'a hérissé le poil à son paroxysme, la phrase suivante écrite pour décrire la pizza Orange : "ça c'est juste une tuerie". Outre l'emploi navrant du terme "tuerie", signifier que tel ou tel plat est délicieux aboutit à penser que ce n'est pas le cas pour le reste... Dois-je y voir des aveux déconcertants d'honnêteté ou de la simple bêtise?
La cuisine ouverte débite les plats à la chaîne, et dans mon dos passent les serveurs à vitesse grand V. Je crains le pire pour ma veste beige... A 12h30, la salle est pleine.
Pour choisir mon menu je slalome : pas de produits bruts, je suis là pour goûter à de la cuisine, pas de pâtes (un accompagnement seul ça se mange à la maison), pas de pizza (faut pas pousser quand même)... Il ne me reste donc que les poireaux grillés pour l'entrée. Sur une planche qui dépasse les 40cm de longueur, le poireaux a été découpé en 2, et par-dessus a été étalé des épices, du fromage frais (coeur de burrata), d'un condiment un peu acide cornichon moutarde et de l'huile d'olive. Aucun soin n'a été porté au dressage, c'est très brouillon. Le légume est bien cuit et pas filandreux. C'est très correct, même s'il n'y a pas beaucoup de saveurs. Pour ainsi dire j'ai l'impression de manger un plat de régime alors qu'il ne l'est pas du tout.
A côté de moi, un jeune ne semble pas là pour perdre du poids et commande des cacio e pepe, vous savez ces pâtes tournées dans une meule de pecorino. Mais ici, étonnamment, ce plat est pour 2 personnes au minimum. Autant je comprends qu'une côte de boeuf ou une épaule d'agneau soit obligatoirement à partager, mais des pâtes? Mais vaillant, il choisis quand même ça ! Et de lui servir quelques minutes plus tard, deux assiettes bien distinctes (et pas énormes). Comment on dit arnaque en italien? Il vient de payer 30€ (2x15€) des pâtes au fromage... Faudra que je regarde sur l'addition si je ne vais pas retrouver une ligne pour le pain et le couvert et une autre pour l'eau en carafe!
Ça y est j'ai des voisines de comptoirs. Elles ont l'air très contentes d'être là ! L'un commande les pâtes à la truffe tandis que l'autre choisit les lasagnes "destroy". Les deux semblent apprécier leur plat à ceci près tout de même que les truffes (qu'elle n'avait jamais mangées auparavant) n'ont pas vraiment de goût (c'est dire la qualité du champignon vu la dose!), et l'autre de se plaindre d'un plat (vraiment destroy qui ne ressemble à rien) entre le froid et le tiède. Mais elles finiront leur assiette en prenant moult photos pour leur Insta quand même.
Mon Calamar à l'arrabiata arrive. Superbe vaisselle en faïence (brûlante), et dedans un calamar présenté entier ! Super ! j'adore ce style "dirty food" où l'on voit l'animal en entier ! Il repose sur la sauce tomate aux câpres. Sur la carte est annoncé que la bête est farcies de "pommes de terre, olives taggiasche et moules fraîches", miam, ça doit envoyer !
Et là, patatras, manque de sel flagrant, et de goût tout court. Si la sauce tomate (des fruits en conserve) n'est pas mal même si elle aurait mérité d'être plus aillée, la farce est insipide et se résume en une purée informe et fade. Des moules point de traces, et encore moins des olives... Inutile de finir ce plat raté. 17€. Je le signale tout de même au serveur qui en prend acte.
Le pain blanc qui a des allures bien industrielles ne sera pas une bonne aide pour être repu.
Trois trentenaires à Stan Smith viennent s'asseoir à ma droite et en face de moi. Pas un bonjour, pas un regard. Gênant. Ils sont là pour bouffer des plats de vrais mecs tu vois, des pizzas! Ça cause rentabilité, vacances, et je suis sûr que si j'étais resté un peu plus longtemps, les femmes, le foot et les bagnoles allaient entrer en jeu. Le plus gouailleur des trois, pas vraiment "aware" renverse un verre d'eau sur son comparse sans vraiment s'excuser et encore moins essayer d'essuyer. Drôle de monde.
La carte des desserts est à l'image du reste, et le globish franco-italo-anglais est roi. Le personnage du Nom de la rose qui parle toutes les langues en même temps (magique Ron Perlman) s'appelle El Stupido, ça n'est pas pour rien. (c'était la minute culture étalée éhontément et gratuitement) J'opte donc pour les Baby pommes suzette.
Les desserts sont annoncés à la découpe et en effet à l'entrée de Libertino se trouve un buffet avec des gâteaux. Pour les pommes, difficile de faire de la découpe donc on mime le truc, et on m'apporte d'abord un plat avec une dizaine de mini-pommes (à se demander si elles ne sont pas factices ou de la veille!) où seules 3 sont recouvertes de granola. Pile poile celles qui me sont servies dans ma mini-écuelle. Ça sent la cannelle. Chacune a un petit chapeau car elles sont fourrées à la compotée de cassis. C'est pas mal comme dessert. Pas sorcier, et complètement ménager, mais agréable.
Côté vin, je choisis la simplicité à 5€: un vermentino, Terre Siciliane, Brothers in wine. Pas terrible du tout.
Très bon point de ce déjeuner (car il y en a un !), le café à 2€!
L'addition suit vite : 40€. Je paye fissa (j'ai encore dépassé mon plafond de paiement.... pffff) et quitte cette salle bruyante. On doit vite avoir mal à la tête ici. Je savais par avance que je n'allais pas adorer Libertino, un fast food qui ne dit pas son nom, mais je m'attendais tout de même à avoir un meilleur niveau en tout. Déco digne de la Foirfouille, ambiance détestable de faux restaurant italien, aucun confort, résa interdite pour les solo, des plats qui naviguent du correct au mauvais, des prix élevés à y regarder de plus près. Voilà, je pourrai dire que j'y suis allé, on ne m'y rependra plus !
Libertino
44 Rue de Paradis
75010 Paris (métro Poissonnière)
Tel : ha bah nan !
Ouvert tous les jours
Les +:
_ le café !
Les -:
_ la déco cheap
_ les plats simples et sans saveur
_ zéro confort au "comptoir"
_ très bruyant
Serviette en tissus | ❌ |
Changement de couverts à chaque service | ❌ |
Nappe en tissus | ❌ |
Bonne réception mobile | ❌ |
WiFi gratuit | ❌ |
Musique inutile en fond sonore | ❌ |
Adapté pour les enfants bien élevés | ❌ |
Volume sonore moyen | 68dB |
Toilettes bien entretenues | - |
Même menu midi et soir (hors formule) | ✅ |
Réservation possible | ✅ |
Vin au verre goûté avant d'être servi | ❌ |
Végétariens bienvenus (au moins 1 entrée et 1 plat) | ✅ |