Jean-François Piège étend son empire. Fort de son aura, voilà qu'il vient de réouvrir L'Epi d'Or après l'avoir acheté il y a quelques mois. La promesse de ce restaurant : proposer une régalante cuisine française pour des tarifs raisonnables. Pari en partie tenu.
Ouvert en 1880, L'Epi d'or régalait les forts des Halles et les fêtards avec des horaires atypiques (22h-2h / 5h-10h) et une cuisine franche et franchouillarde. Au départ du ventre de Paris à Rungis, l'établissement s'est normalisé tout en gardant un esprit vivant et festif et a su résister au temps jusqu'à il y a quelques mois, où les propriétaires emblématiques du lieu ont cédé l'endroit à Jean-François Piège.
Ce grand chef ne m'avait pas vraiment convaincu avec sa reprise de La Poule au pot, loin de la qualité attendue pour ce tarif-là, tandis que Clover Grill m'avait bien emballé avec ses belles viandes maturées. Que va donner cet Epi d'or?
Ouvert tout juste hier, j'ai pris soin de réserver pour m'assurer une place. Depuis la rue Jean-Jacques Rousseau, rien ne semble avoir bougé de cette belle maison traditionnelle.
Peu de changements à l'intérieur. La crasse sur les murs (traces des fumées de cigarette) a même été conservée pour avoir un caractère conservé dans son jus. C'est un parti-pris. Superbe bar, grandes banquettes, vieux miroirs et assiettes accrochées aux murs apportent un charme d'antan à ce restaurant.
Parmi les qualités louées à l'endroit auparavant figurait l'absence de musique en salle. C'est fini. Maintenant on a le droit a de la bonne vieille soupe à base de Dalida ou Nicoletta. Jadis, Dominique, le patron hâbleur et chaleureux accueillait la clientèle. Pfuit ! A présent des jeunes femmes un peu réservées (le chef Piège étant présent ça ne doit pas aider à se décontracter) s'occupent du service.
Et la carte? Elle a changé aussi? Ô que oui ! Finies les belles propositions roboratives à base de plats gourmands en sauce que l'on avait plaisir à digérer tout l'après-midi ! Il y a eu épuration. A présent, un menu sans choix à 36€ varie au gré d'un semainier. Mais pour le vendredi, c'est jour maigre à base de légumes et de cabillaud (ce qui revient cher pour 36€). Mauvaise pioche. Je regrette de ne pas être venu un lundi avec la joue de porcelet aux lentilles, ou le jeudi avec l'échine de porc au four. Je me rabats donc sur les quelques autres propositions qui sont disponibles : des entrées de 9€ à 14€ et des plats de 15 à 22€. Parmi tout ça quelques classiques bistrotiers : croque madame (15€!), steak tartare (18€), poisson panné (19€), ou une simple salade verte qui culmine à... 9€ ! Le menu déjeuner à 20€ a lui aussi disparu avec le changement de propriétaire.
Lors de la prise de commande, je demande comme d'habitude une carafe d'eau du robinet. On me répond gentiment qu'il n'y a ici que de l'eau micro-filtrée. Ah? "gratuite" interrogé-je. "Non" me répond-on. Je m'étais déjà fait avoir à la Poule au Pot où la flotte du robinet m'avait été facturée 3€, là où partout ailleurs à présent, l'eau micro-filtrée est gratuite ou l'option carafe l'est. Ce sera donc sans eau pour ce déjeuner.
Déjà que je suis collé au bar, en plein dans le passage, avec un vent-coulis à attraper la mort et une table bancale bien énervante, je ne tiens pas à faire exploser ma tension. Je reste zen, après-tout, le plus important c'est dans l'assiette que ça se passe.
Pas d'amuse-bouche, ici on part sur les chapeaux de roue avec l'entrée : le pâté en croûte (14€). Il m'est posé devant moi sans la moindre explication. A moi de deviner les secrets de la recette. En tout cas, il a une très joli tête même si la tranche n'est pas très épaisse (un peu plus de 10mm). Morceaux de foie gras, pistaches et cochon le composent a priori. Trois pickles (céleri, tomate, oignon) complètent une assiette qui a de la gueule, surtout grâce à cette belle vaisselle à l'ancienne. Niveau goût, c'est correct. La croûte n'est pas trop épaisse.
La corbeille de pain est composée dans de grandes tranches fines toastées (et donc un peu rêches) et de deux "épis" baguette bien cuits et croustillants à souhait.
Pendant ce temps, beaucoup de personnes tentent leur chance sans réservation et sont refoulées. C'est complet. Le nom de Jean-François Piège attire.
Divine surprise ! Une bouteille d'eau m'est finalement posée sur la table sans un mot ! Vais-je la retrouver sur la douloureuse, suspense.
Seul véritable survivant de l'ancienne époque, l'agneau à la cuillère (22€). Chic, un plat gourmand ! Mais je déchante un peu quand je le vois arriver... Dans une belle assiette oblongue, deux morceaux d'agneau (fini le gigot d'antan...), une carotte, un quart de fenouil braisé et une cuillère de purée. Un peu de jus au fond tout de même. Rien à dire sur la cuisson, la viande se délite sans trop d'effort et c'est plutôt bon. Je retrouve la très bonne purée déjà goûtée chez Cover Grill, bien beurrée ! Le reste a des accents Weight Watchers. Le chouette petit jus aurait gagné à être plus généreusement servi. Un plat qui déçoit un peu par son manque de gourmandise.
Pendant ce temps, un cadre cinquantenaire avec trois comparses, arrive comme un cador flamboyant, et clame tout haut "une table pour 4"! "Vous avez une réservation?" "heu, non...". Puis avoir salué une connaissance, il repart la queue entre les jambes, grommelant "ils ne sont pas près de me revoir" ! Pathétique.
Autre grand classique pour terminer : le riz au lait (8€). Il arrive vite. Dans une belle assiette avec des épis de blé, une masse qui a été quadrillée soigneusement de caramel. C'est très compact. Mais ça reste bon, quoiqu'un rien trop sucré avec ce caramel qui file. Il n'en faudrait pas beaucoup plus pour en être dégoûté rapidement.
Pour le vin, les prix commencent à 6€ le verre (de 12cl), et il y a 8 références disponibles. Les bouteillent pour leur part ne parviennent pas à descendre sous la barrière des 30€. C'est 32€ minimum. Je prends donc un godet de coteaux du lyonnais, Les Traboules à 6€ (coef 3). Un bon petit vin de soif, sans prétention.
Un petit café bien bon (heureusement, à 4€!), puis je demande l'addition. On me l'apporte, et on me dit que ce n'est pas fini, et on me met une griotte à l'alcool dans ma tasse vide. A l'ancienne ! Voilà une gentille intention qui fait plaisir ! Bref, je dois payer la somme rondelette de 54€. Pas cher pour du Piège me direz-vous, il est vrai que dans ses autres annexes, on s'en sort avec des sommes encore plus ventrues. Mais compte tenu de mon repas, ça reste une somme importante, même si l'eau finalement ne figure pas dans l'addition. Manquent tout de même deux choses importantes qui avaient fait la réputation de l'Epi d'or : de la générosité et de la gourmandise dans les assiettes, et aussi de la chaleur dans l'accueil. Cette version Piège mériterait un(e) maître d'hôtel chaleureux pour nous raconter les plats et nous faire oublier la grisaille de l'endroit plutôt que de nous infliger des tubes révolus et ringards.
L'Epi d'or
25 Rue Jean-Jacques Rousseau
75001 Paris (métro Louvre Rivoli)
Tel : 01 42 36 38 12
Fermé samedi et dimanche
Les +:
_ très jolie vaisselle
_ cuisine simple et très bien réalisée
_ menu à 36€... le soir aussi !
_ la p'tite griotte qui fait toujours plaisir !
Les -:
_ eau payante, oui ou non? Mystère...
_ des tarifs élevés ici ou là
_ l'accueil sans caractère
_ plats peu réjouissants (l'éclairage vespéral ne met pas les préparations en valeur)
_ musique plus inutile que jamais
Serviette en tissus | ✅ |
Changement de couverts à chaque service | ✅ |
Nappe en tissus | ❌ |
Bonne réception mobile | ❌ |
WiFi gratuit | ❌ |
Musique inutile en fond sonore | ✅ |
Adapté pour les enfants bien élevés | ✅ |
Volume sonore moyen | 60dB |
Toilettes bien entretenues | ✅ |
Même menu midi et soir (hors formule) | ✅ |
Réservation possible | ✅ |
Vin au verre goûté avant d'être servi | ✅ |
Végétariens bienvenus (au moins 1 entrée et 1 plat) | ❌ |