Golden Poppy (Paris 9) : galop d'essai parisien pour la cheffe aux 3 étoiles Dominique Crenn

A l'image d'un Paul Pairet, la cheffe française Dominique Crenn s'est avant tout forgé une image à l'étranger en glanant les 3 étoiles Michelin du côté de San Francisco. Son arrivée à Paris avec Golden Poppy fait parler, mais à juste titre? Pas sûr...

Par Arnaud Morisse

Lové au rez-de chaussée d'un nouveau grand Hôtel (La Fantaisie), la cheffe Dominique Crenn a installé son dernier restaurant : le Golden Poppy. Un nom qui sonne un peu ridicule mais qui pourtant renvoie au pavot de Californie, une fleur emblématique. 

Golden Poppy restaurant Paris 9
Golden Poppy restaurant Paris 9

A l'intérieur, la salle à la déco bien trop chargée et un brin kitch nous renvoie dans les années 90 mal digérées. Le style américain qui m'a fait pensé à mes souvenirs enfantins quand je me régalais des crevettes frites de Denny's avec mes parents en vacances. La cheffe aux 3 macarons revendique fièrement sa cuisine californienne aux notes sud-américaines et un chouïa asiatique et avance jusqu'au bout. Une playlist funky r'n'b assez forte est jouée histoire de faire branchouille.

Ce soir-là, pas de madame Bello en cuisine, mais un chef exécutif d'expérience qui mène une brigade d'une dizaine de personnes. En salle aussi une ribambelle de petites mains qui arborent une broche fleurie assez particulière (c'est ce que dit ma maman quand elle trouve un truc moche) sur leur chemisier blanc.

Petite joie intérieure, me voilà installé au comptoir !

Du côté de la carte, ça commence à piquotter : les plats vont de 18 à 110€, et pas de viande au menu. Place aux légumes et aux fruits de mer. Les intitulés titillent la curiosité pour la plupart : il y a des plats singuliers comme ces tacos aux ormeaux, riz croustillant au leche de tigre ou cette pomme de terre... au plancton !

Pour les vins, du très bon mais à des prix stratosphériques : par exemple je repère la côte du Py de chez Jean Foillard 2021 à... 95€ ! A titre de comparaison je vends la même bouteille chez Caboulot à 27€...

Tartare de thon rouge ikéjimé maturé Golden Poppy restaurant Paris 9
Tartare de thon rouge ikéjimé maturé

Je démarre avec le Tartare de thon rouge ikéjimé maturé. Sur le papier, ça affole les papilles. Dans l'assiette, un dressage trop mignon avé les petites fleurs. C'est minutieux, précis, très, très joli. Et comble du bonheur, c'est délicieux ! Le thon a un goût puissant avec des notes pimentées apportées par la feuille de shiso, c'est remarquable ! Si tout le repas est de ce niveau, on tient là, la table de l'année !

J'accompagne cette entrée à 18€ par un verre de côte d'Auxerre du domaine Goisot, le Corps de Garde 2020. Excellent. 13€ tout de même.

On me sert quasi en même temps la suite. Ca m'échappera toujours cette nouvelle tendance à servir tous les plats (quand ils sont prêts) en même temps surtout quand on mange seul....

Je vois à ce moment-là, la fameuse dorade entière facturée la rondelette somme de 110€. Oui, c'est bien pour une seule personne, le poisson devant peser au plus 300gr. Il est cuit à l'unilatéral (bonjours les 90's!) côté peau qui s'en retrouve carbonisée. J'ai franchement des doutes quant à la maîtrise d'une telle cuisson sur un si petit poisson et me réjouis de ne pas avoir éclater mon budget pour ça !

Broccoletti, Sauce fermentée Golden Poppy restaurant Paris 9
Broccoletti, Sauce fermentée

Broccoletti, Sauce fermentée (garum). Voilà encore un plein intéressant, visuellement moins clinquant, mais prometteur en saveurs. Sous le chou on nous annonce un pesto au sésame.... Et là, on n'est clairement pas au même niveau. C'est bon, mais la sauce et le pesto qui étaient annonciateurs d'explosion de saveurs façon coup de poing se révèlent sympathiques sans plus. 22€ tout de même...

A côté de moi au comptoir, s'installe un homme à la veste rouge et au verbe haut qui est aveugle. Audacieux. Pour la prise de commande, le service est un peu démuni. Il va falloir lui lire toute la carte, ce qui sera fait, juste en omettant les prix. C'est vrai, c'est un détail ici ! Pour le vin, il demande des précisions, et veut un verre de vin rouge "puissant". Là, le serveur très gentil montre ses limites et n'y connaît que pouic en la matière. Il dit appeler la sommelière.... qui n'est en fait qu'une autre serveuse qui ne s'y connaît pas plus. Ici, c'est au client de savoir ce qu'il veut !

Tacos aux ormeaux Golden Poppy restaurant Paris 9
Tacos aux ormeaux

Puis j'enchaîne avec l'un des plats stars (annoncé comme tel en début de repas) : les tacos aux ormeaux. Un plat par excellence populaire revisité avec un ingrédient rare et luxueux, pourquoi pas? Dans une assiette, de l'avocat, puis deux préparations dont un kimchi et 2 ormeaux (des pièces de 4 ans). A vue de nez, les coquillage sont un peu trop cuits. On étale l'avocat tant bin que mal (les couverts, mal équilibrés, ne sont vraiment pas pratiques), met du du kimchi, un poil d'ormeaux et zou, en bouche ! Et là, malaise.... pas grand chose ne se passe. C'est plat. Un plat star à 48€ quand même! Le kimchi manque de sel, et rien ne se dégage du plat. Je signale tout de même ma déception au chef qui décide de me préparer une "nouvelle version" qui doit être plus goûteuse. J'espère...

Elle arrive : le kimchi réassasonné se trouve directement dans la coquille de l'ormeau qui a été lui-même assaisonné et surtout moins cuit le conférant plus de tendreté. A côté, une échalote mi-cuite recouverte de piment qui cache une jolie crème. Même principe, on "encrêpe" tout ça, et.... c'est bien mieux ! Là il y a un jeu de texture, l'échalote pétarade en bouche et le mollusque se fait bien sentir ! On se rapproche de la valeur du plat! En tout cas, merci au chef de cette attention.

Mon voisin Bernard, s'étonne de ne pas avoir eu le droit lui aussi à cette nouvelle version, car lui n'a pas du tout, mais pas du tout aimé ses ormeaux. Oui, bon, le chef se voit obligé de lui faire aussi. Et là aussi, il trouve ça mieux. "Mais il ferait mieux de faire ça dès ce soir plutôt que l'autre version ! Deux plaintes sur un plat le même soir, il faut réagir dans un établissement de ce standing!" me dit-il. Parce que oui, Bernard est peut-être aveugle, mais pas muet. Il parle beaucoup et sans énormément de filtre. Ainsi, ses retours sur chaque plat sont lapidaires.

Pomme de terre plancton Golden Poppy restaurant Paris 9
Pomme de terre plancton

Ensuite, on oublie le visuel. Ici pas de froufrous, de fleurs tape à l'oeil, ou de déco quelconque : c'est la Pomme de terre plancton. Un espuma de patate et au fond de la compoté d'oignons, des tranches de pommes de terres et céleri fondantes entre les 2. Et le plancton, vaguement présent je m'en doute. C'est bon. Pas fou, et plutôt classique, mais je finis sans mal ce - petit - plat facturé 22€.

Pour la suite Bernard se déplace et on cause restos. Vu qu'il ne peut pas cuisiner, il me dit qu'il ne mange qu'au resto. Tout le temps. Tous les jours. Gentil budget. lui parle de mon adresse coup de coeur de l'année (Géosmine) et hop, ni une ni deux, il réserve devant moi une table pour le déjeuner le lendemain. Il est comme ça Bernard, il est entier et spontané.

Avec cette causette j'en oublie de prendre en photo les desserts (pas une grosse perte visuellement...). Et oui, "Les" desserts, car le chef m'offre le "gordita" beignet noix de coco et ananas ("que vous devez absolument goûté") alors que j'avais déjà commandé un "sundae".... Le beignet s'avère effectivement sympathique même si la sauce verte n'est pas assez puissante pour rééquilibrer le gras et le sucre. Un truc sévèrement frais et herbacé dessus aurait été parfait (genre coulis basilic ou persil). Le sundae lui se défend mieux, pas trop sucré et avec un petit jeu de textures sympathique.

Je demande comme d'habitude, avec quelle maison Golden Poppy travaille pour le café. Bernard me dit "pas la peine de demander, vous fondez de trop gros espoirs dans cet endroit ! A coup sûr ça doit être du Lavazza ou du Nespresso ici" ! Et bien non, c'est de l'Arbre à café, c'est plutôt pas mal ! Comme quoi tout n'est pas à jeter ici, il y a de l'espoir !

Bon, pour Bernard, son verdict est plus que lapidaire : "non mais c'est une arnaque ici! Moi je croyais que j'aurais affaire à un resto gastronomique vu que c'est une cheffe 3 étoiles, mais non".

Pour ma part, je serais un peu plus nuancé : hormis la première version des ormeaux franchement pas glop, et le tartare de thon maturé carrément délicieux, j'ai plutôt bien mangé une cuisine correcte. Par contre, et malgré les offerts dont j'ai bénéficiés (un ormeaux nouvelle version et les 2 desserts) mon repas ne valait pas les 128€ payés. Il va falloir encore bosser pour prétendre à au moins avoir une étoile en France Dominique !

Golden Poppy
Dans l'Hôtel Fantaisie
24 rue Cadet
75009 Paris (métro Cadet)

Tel : 01 55 07 85 10
fermé eu déjeuner, et les lundis et mardis.

Les +:
_ service nombreux et attentif avec le sens du client
_ un thon maturé qui vaut ses 18€ !
_ certains plats très jolis visuellement avec des intitulés peu communs
_ des places au comptoir (les meilleures!)
_ carte des vins avec une collection de jolies bouteilles bien connues...

Les -:
_ ... mais hors de prix !
_ bien trop cher en général
_ cuisine correcte sans plus
_ musique trop forte et toujours inutile
_ à ce prix-là, pas d'amuse-bouche ni mignardises
_ la déco pas vraiment dans l'air du temps


Plan d'accès au restaurant Golden Poppy Paris 9
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