[mise à jour du 06/12/20]
La table étoilée de la rue de l'Hôtel Colbert - Sola - emboîte le pas de nombreux restaurants en proposant son offre à emporter. Une proposition copieuse, minutieuse et travaillée, qui vaut le détour. Par Robin.
>>> Review du 09/08/19
A quelques encablures de Notre-Dame-de-Paris, Kosuke Nabeta oeuvre aux fourneaux de Sola depuis 2017.
C'est dans un 5ème arrondissement drôlement désert pour un vendredi qu'à défaut de pouvoir m'y attabler, je vais y chercher un sac bien rempli - telle est la nouvelle coutume.
On y trouve deux belles boîtes remplies de 5 services, ainsi qu'un menu bien ficelé (au sens propre comme au sens figuré). Je m'empresse d'en étaler les différents contenus sur mon plan de travail: très belle surprise, tout est extrêmement bien réparti, avec les multiples ingrédients sous-vide et les sauces dans des petites pipettes. Le tout méticuleusement étiqueté: impossible de se tromper.
Mais passons aux choses sérieuses: premier service, pas de cuisson nécessaire, et même une petite vidéo pour le dressage, que l'on visionne grâce à un QR Code. Une bonne idée pour les apprentis cuisiniers comme moi!
Dans l'assiette, bonite Tataki, Yuzuponzu et Wakarashi (sorte de moutarde).
Cette première entrée, à défaut d'être originale, se révèle efficace grâce à la qualité du poisson (parfaitement fondant) et des sauces. L'équilibre est impeccable, et l'on plonge immédiatement dans l'univers du chef. C'est très bon.
[NdeLiHua : Sola propose aussi un joli menu végétarien qui vaut le détour.
Je vous le présente dans le même ordre que Robin, finalement nous avons presque dîné ensemble, à une semaine d'intervalle...
Le premier plat végétarien est un chirashizushi vert - légumes de saison (un chirazushi est un type de sushi).
Comme le chef l'indique, "bonne nouvelle ce plat se mange froid"! En effet ,cela permet de se faire la main tranquillement sur un premier dressage et de lancer le réchauffage du deuxième plat pendant la dégustation.
Le riz est bien vinaigré, les légumes sont fondants ou marinés façon pickles, mis en scène dans un visuel poétique...]
Deuxième mets, et cette fois-ci nous mettons la main à la pâte. Un peu de cuisson doit être donnée aux salsifis et aux coques, avant de dresser le tout avec un velouté (qui tire plus sur la soupe), et une huile d'oignon qui dégage des effluves particulièrement agréables...
A la première cuillerée, c'est un bonheur. Les salsifis s'avèrent remarquablement préparés, les coques tout autant, et l'huile d'oignon enrobe parfaitement le tout. Un coup de coeur pour un plat à emporter. Et dire que trois autres suivent!
[NdeLiHua : Le deuxième plat est constitué d'une endive, sauce wakame sésame.
Mon dressage ne rend pas trop justice au plat, les chips de sésame se sont brisées...
Le goût de l'endive est excellent, elle est fondante avec une légère amertume en fin de bouche, qui se marie bien avec le goût iodé du wakame et le côté grillé profond du sésame noir. Vraiment, j'aimerais que les endives aient plus souvent ce goût-là!]
De jolies tranches de saumon mi-cuit se présentent à nous dans le sachet marqué "plat #3". Nous les faisons réchauffer comme indiqué avec les préparations de céleri qui les accompagnent. Par oubli plus que par désobéissance, j'oublie de lancer la vidéo YouTube pour le dressage, preuve en est avec la photo ci-dessus.
Le poisson fond sous les coups de ma fourchette, et le yuzukosho (yuzu et piment) vient le lier avec les tranches et la purée de céleri rave. Délicieux! Tout est bien fait et très harmonieux, le repas est pour l'instant à la hauteur.
[NdeLiHua : Le troisième plat végétarien est une soupe de légumes racines, légumes confits et yuzukosho.
C'est une façon intelligente de nous faire manger des légumes racines et en particulier des salsifis, qui sont encore légèrement fermes sous la dent et apportent du volume au plat. L'huile de poireaux odorante et le yuzukosho complètent la soupe de leurs touches végétales, fraîches et pimentées.]
Le plat suivant est autour du canard, du poireau et des topinambours. La viande, déjà confite, est à réchauffer, et l'on nous propose même de le poêler légèrement pour apporter du croustillant.
A la dégustation, le canard, très bien confit, ravit nos papilles; et la préparation de negimiso (poireaux, miso, mirin) apporte du peps. Le tout manque un peu de texture et de folie mais reste très plaisant. Déjà repus, il nous reste encore le dessert, après une partie salée de bien belle qualité.
[NdeLiHua : Le dernier mets salé. est un hirouzu fumé au bois de sakura, ankake et escabèche de shitake. C'est selon moi le plat le plus surprenant du menu pour un palais occidental.
Le chef indique que le hirouzu est une "pâte de tofu accompagnée de légumes, fumée puis frite". L'ankake est une sauce japonaise épaisse composée de dashi et de fécule de pommes de terre".
L'aspect fripé du hirouzu révèle une texture moelleuse, qui se découpe facilement au couteau, libérant de fins filaments de légumes. La sauce nappante, malgré son apparence un peu translucide, renforce la saveur de l'escabèche de shiitake. Un plat végétarien gourmand qui au-delà de sa texture devrait réconcilier pas mal de gens avec le tofu!]
Le dessert tourne autour de la poire, du yuzu et du caramel beurre salé. Sûrement la préparation qui résume le mieux la philosophie de Sola: l'harmonie des saveurs françaises et japonaises. Toutes les bouchées sont gourmandes, la poire étant travaillée en crème, sur laquelle se juche une légère crème battue. Il manque peut être encore un peu de texture, mais la petite verrine est nettoyée, c'est bon signe!
[NdeLiHua : Le repas se conclut par le même dessert que le menu "normal", à savoir un dessert poire, yuzu et caramel beurre salé.
La rondeur de la poire, la fraicheur du yuzu dans une mousse délicate et la gourmandise du caramel ravissent mes sens, dans un dressage précis réalisé directement dans la verrine à emporter.
Je rejoins Robin sur le fait que ce dessert est la synthèse de la cuisine du chef : des goûts bien marqués et du raffinement, en alliant les saveurs françaises et japonaises.
En conclusion, les réchauffage et dressage nécessitent un peu de patience et de précision, mais cela permet de préserver les saveurs des plats et de vivre une expérience plus gastronomique. De plus les instructions et les vidéos laissent tout de même la place à sa propre créativité. On se prend à "réveiller le cuisinier qui sommeille en soi"!]
Une jolie façon de terminer un beau repas, au rapport qualité-prix excellent: 40 euros pour 5 services, avec deux petits macarons au thé matcha pour ponctuer finalement la soirée. 80 euros pour deux donc. (nb: Sola augmente le tarif de ses menus à partir du 8 décembre 2020). Une très belle adresse à aller tester les yeux fermés.
Sola "At"
A commander sur https://www.restaurant-sola.com/, en livraison sur Paris (une dizaine d'euros en moyenne) ou à emporter du Mardi au Samedi de 16h à 20h
12 rue de l'Hôtel Colbert
75005 (Métro Saint Michel)
Tél : 01 42 02 39 24
Les +:
_ Menu complet et travaillé à un prix doux
_ Produits d'excellente qualité
_ Disponibilité et réactivité de l'équipe.
Les -:
_ Le plat de viande un peu en dessous
_ Un peu de pain aurait été parfait.
[review du 09/08/19] C'est la clé actuellement de nombre de restaurants pour obtenir une étoile à son fronton : fusionner gastronomies française et japonaise. Mais quand c'est aussi réussi que pour Sola, on comprend mieux cette récompense ! Par Arnaud Morisse
Quand on arrive devant ce restaurant et ses grilles en fer forgé devant les fenêtres, on pourrait croire qu'on a affaire à un club SM échangiste, ce qui, vous en conviendrez est un peu contradictoire avec le nom affiché : Sola.
Mais pour ce soir, la douleur n'est pas au programme, et je suis accueilli avec le sourire par une brigade en salle tout de noir vêtue.
Le bois est à l'honneur dans le salon dit "végétal". Un peu de lichen, des branchages séchés, une oeuvre d'art abstraite et un mobilier moderne composent la décoration de cette salle. Un comptoir est là, c'est évidemment ma place. Pendant tout le repas je vais être devant une jeune japonaise qui dresse les amuse-bouche et les desserts uniquement.
Côté ambiance sonore, de la musique lounge au mètre. Au mieux inutile, au pire agaçante.
A ma place m'attend déjà le menu qui a été personnalisé avec un petit mot manuscrit de bienvenue ! J'adore ce genre de petits gestes. Et va, j'oublie la faute d'orthographe à mon nom, c'est l'intention qui compte !
Puis vient l'heure du choix, proposé d'une façon assez sibylline : "nous avons deux menus assez semblables, si ce n'est qu'il y a des petits changements d'ingrédients comme par exemple à la place du gaspacho il peut y avoir du homard". Pas de notion de prix affiché, mais bien sûr, le crustacé de luxe sert d'appât pour vous accrocher au menu unique à 115€ plutôt que 98. Pour ce prix-là, c'est 7 services qui sont inclus (3 entrées, 1 poisson, 1 viande et 2 desserts).
Pour le vin, il y a un accord de prévu pour un supplément de 70€ pour 4 verres de vin et 2 sakés. Quand on choisit au verre, 3 rouges et 3 blanc sont disponibles, et il ne faut pas espérer de conseils précis.
C'est l'heure des amuse-bouche ! Dans un petit coffret en pin mignon tout plein, deux bouchées : Magret de canard, épices, mangue et vinaigrette au fruit de la passion, et un tartare de veau, sésame et pistache. A côté, sur une assiette cassée, une troisième agape : Maïs, livèche et poutargue. Question : comment manger ça, sachant que je n'ai que 2 petites baguettes à ma disposition? Allez, je commence avec les instruments japonais (non sans mal) et me résout sur les autres à utiliser mes doigts - non sans vérifier que personne ne me voit, comme ça personne ne sait ce que j'ai fait. Malin, hein?
Très bon canard, délicieux tartare et très sympathique livèche. Voilà qui entame au mieux ce dîner! A noter que si j'avais pris le menu à 113€, j'aurais eu le droit à du caviar (5 grains) à la place du pétale de poutargue et un autre amuse-bouche à base de foie gras et de figue. Pas de regret!
Le restaurant se remplit vite. Beaucoup d'Asiatiques mais pas que. Quand soudain, arrive sous mes yeux effrayés, braillant sans retenu, un bébé dans une poussette ! Nooooooooooon ! Suis-je maudit au point de devoir subir ça dans un restaurant étoilé? Ouf ! Non, ils descendent à la cave, dans le salon japonais avec des tatamis et où il faut se déchausser (l'assurance d'odeurs méphitiques). Je suis sauvé !
Sur le programme, ça s'annonçait simple : Bonite, agrumes, poireaux. Mais à l'arrivée, la liste des ingrédients est impressionnante pour cette entrée. Dans ce minuscule plat, rien n'est laissé au hasard, tout y est millimétré, ajusté à la perfection. Une nouvelle fois, les baguettes se révèlent peu commodes pour engloutir ça. La petites cuillère étant tout juste utile pour saucer. Mais c'est très bon, les différentes saveurs sont très marquées.
La suite ne ressemble à pas grand chose : Gaspacho de tomates datterino, cerise, Yuzukosho. Une écume surmonté d'une fleur de fenouil et d'une dizaine de grains de caviar. A côté, pour accompagner, une focaccia maison. Mais il ne faut pas toujours se fier aux apparences, car ce plat est un petit délire de goûts en soit ! Quelle merveille! Quelle fraîcheur ! Quelle puissance ! Je suis emporté par une vague de bonheur. Le pain italien bien huilé couronne le tout. Fantastique !
Si j'avais choisi le menu le plus cher, je n'aurais pas eu le droit à ce grand moment émouvant, puisqu'en lieu et place du gaspacho était servi le petit bout de homard. Toujours aucun regret !
A peine remis de mes émotions, voici la dernière entrée présentée comme plat signature du chef Kosuke Nabeta : Foie gras fumé au cerisier japonais, anguille fumée, risotto croquant et espuma de truffe noire. Ça sent bon. Des couverts sont enfin mis à disposition. Et là, la grande claque ! Quel bonheur intense ! Le goût fumé, le jeu de textures, les arômes précis et puissants, tout est parfait ! C'est un petit nirvana gustatif je dois bien le dire. Trop petit sans doute.
Très jolie assiette de poisson pour suivre. Toujours toute petite, mais elle donne faim : Maigre, palourdes, artichaut. Un bouillon de coquillage et gingembre particulièrement odorant est versé dessus. Le maigre qui a été grillé est un poil trop cuit à mon goût, mais c'est un plat très bien fait et bien bon tout de même.
Là, je me suis un peu loupé, enfin, j'ai raté ma bouche, ça arrive. La sanction suit immédiatement. "Plouf"! Et ma veste de se voir honorée d'une belle tâche de bouillon...
J'ai encore bien faim quand le plat principal, la pièce maîtresse, le sommet annoncé de ce repas arrive : Carré d'agneau (en fait une côtelette minuscule), wa-karashi (en mousse), légumes (2 haricots beurre, 1 feuille d'épinard et 1 demi-pomme de terre grenaille) et une tuile de peaux de petit pois. La quantité déçoit un peu. Mais une fois goûté, j'oublie tout, c'est délicieux ! Un régal pour qui aime les viandes bien rosées voire saignantes. La fusion est parfaite !
Tiens, j'entends au loin le poupon qui geint, j'imagine la tête des autres clients....
L'heure du sucré a sonné avec ce premier dessert : Fraises, lait sucré, ume. Dans un verre, un fond de purée de fraise, une glace, un siphon d'umé (abricot nippon) et un pétale de geranium. Pas trop de complexité ici, pas de question à se poser, je dégomme.
Je vois la jeune Japonaise s'en donner à coeur joie pour faire les "tâches" dans l'assiette pour le dessert qui suit : Menthe, sudachi abricot. Les jeux de texture cette fois-ci sont à la fête, elles y sont toutes comme tous les goûts ! Feu d'artifice final? Peut-être voulu ainsi, mais en tout cas je me régale.
Avec le café (offert?), un simple macaron au thé matcha, chocolat blanc et miso. Très convenable sucrerie pour conclure ce repas qui aura duré 2 heures montre en main.
J'ai accompagné tous ces plats d'un verre de verre de vin-de-france languedoc blanc 2017, Domaine Christophe Peyrus et de coteaux-du-lyonnais 2017, Domaine Clusel-Roch, respectivement à 12 et 13€. Deux très beaux crus qui se sont bien accordés avec cette cuisine complexe et vive.
Forcément, la note finale reflète l'excellence de ce restaurant étoilé : 123€. Pour se faire plaisir ou à offrir, Sola ne peut que faire forte impression. Service parfait, plats ciselés, saveurs singulières et régalantes, voilà une table qui vaut la peine de se fâcher avec son banquier.
Sola
12 Rue de l'Hôtel Colbert
75005 Paris (métro Maubert Mutualité)
Tel : 01 42 02 39 24
Fermé le dimanche et lundi
Les +:
_ des plats formidables
_ service pro
_ le menu personnalisé
_ des produits magnifiques
_ pas obligé d'enlever ses pompes au rez-de-chaussée
Les -:
_ les gros mangeurs hurleront de voir de si petites portions parfois frustrantes
_ la musique complètement inutile, presque ridicule