Michel Bras à Paris, tout un programme ! François Pinault a demandé à ce chef 2 étoiles à Laguiole de prendre en charge le restaurant gastronomique situé au sein de sa collection d'art de la Bourse du Commerce, La Halle aux grains. On peut s'attendre au meilleur !
Par Arnaud Morisse
Une nouvelle fois, les âmes solitaires semblent laissées de côté. Impossible de réserver par internet pour 1 seul couvert à la Halle aux grains, le nouveau restaurant de Michel Bras au sein de la fondation François Pinault à la Bourse du commerce, aux Halles. Pas de numéro de téléphone non plus. J'utilise alors le formulaire de réservation. Pas de bol, j'ai demandé une table pour un dimanche où c'était complet. Je renvoie un mail, cette fois-ci en précisant que je prends "n'importe quel dimanche à 19h". Pas de bol, le service commence à 19h30. Donc, re-belotte pour un mail. Alors on me dit en réponse, que pour réserver, il faut passer par le site internet. Réponse : bah non, je suis seul, on me dit que c'est impossible.... Bref, d'échanges électroniques en échanges électroniques, j'arrive à obtenir une place pour le dimanche 11 juillet, non sans mal.
La veille je reçois un mail me demandant de confirmer ma venue contre une empreinte bancaire (50€ prélevé en cas de désistement). D'accord. Sauf qu'on ne me demande pas mon numéro de CB. Bref, va falloir améliorer sérieusement la prise de réservation les amis !
J'arrive dans le majestueux bâtiment refait à neuf à 19h35. Un poil en retard. Le musée à cette heure-ci est fermé. Impossible d'enchaîner la visite et le resto pour ceux qui en auraient l'envie. On m'indique que ça se passe au 3ème étage. Là, j'arrive et je vois un troupeau de cinquentenaires (je suis sympa), désoeuvré, attendant je ne sais quoi. L'occasion d'admirer la fresque de la coupole centrale, juste magnifique.
Après une dizaine de minutes sans information, une jeune et jolie dame vient nous dire qu'elle va placer chacun à sa table, les uns après les autres.... Bonjour l'organisation et l'accueil ! Mais d'accord, le jeu doit en valoir la chandelle. Arrive mon tour...
La salle curviligne arbore une déco moderne et minimaliste. Normal quand on voit les panoramas proposés : d'un côté la coupole intérieur, de l'autre une pleine vision de l'Eglise Saint Eustache.
Le temps de jeter un oeil sur le menu (5 services 78€, 7 services 98€, entrées de 19 à 32€ et plats de 38 à 52€) qu'on m'apporte une tuile ondulée sur laquelle reposent graines et pousses avec un brin de houmous. Voilà qui va assez bien résumer mon repas : les graines y seront omniprésentes, en pleine cohérence avec la cuisine du chef et du nom du restaurant. Toujours est-il que cette petit chose très croquante s'avère aussi bonne qu'hasardeuse à avaler proprement.
Je pars sur les 5 services avec un accord mets-vins de 4 verres. Il faut dire que j'ai aperçu quelques références (principalement nature) dans la carte des vins qui m'ont mis en joie.
Pour débuter ce dîner voilà qu'arrive une bolée "d'eau de tomate rafraîchie au thym". Comme c'est joliment dit ! Ca sent divinement bon. En bouche, éclat et fraîcheur ont la part belle. Voilà qui nettoie et aiguise les papilles parfaitement.
A côté, le sommelier demande à un couple leurs préférences en matière de pif : "ho, tout vraiment, sauf les vins nature quand même, vous n'en n'avez pas, hein?". Le maître ès gégette de répondre, un tantinet gêné (à ce que j'en ai vu, il n'y a presque que ça...)"heuuuu, bah en fait, on a du vin nature, mais bon, ils font ça depuis tellement longtemps qu'ils ne se revendiquent plus comme tel". Pas sûr qu'il ait rassuré les deux vieux.
Arrive vite l'entrée : Champignons de Paris farcis comme il se doit de champignons de Paris, volée d'avoine cristallisée au poivre noir, bien présente sur la carte à 19€. Dressage chiadé, bonnes odeurs. Ca donne tout plein faim cette histoire ! Un peu de pomme granny smith couronne les deux champignons. On me rajoute un tour de "mélange épicé" qui finit aux trois quart sur la table, et zou! C'est parti ! Le goût intense du champignon me ravit. Le reste suit avec bonheur. Ces petites bouchées sont un régal.
Pour le vin, un sancerre de Anne Vatan en 2018. Ici, une partie des bouteilles bénéficie d'une étiquette aux couleurs de la maison, la classe ! Très joli vin qui se marrie correctement avec le plat.
Un bon rythme pour continuer : Merlu au beurre de sarrasin, poêlée d'épinard et pommes de terre nouvelles. Une nouvelle fois, mes narines en profitent un maximum. Belle cuisson du poisson, et goût généreux et gourmand de cette sauce ! Simple (sans doute en apparence?) mais délicieux. A la carte ce plat est facturé 38€, j'espère avec un plus gros morceau de poisson alors !
Côté vin, le sommelier dégaine un jurançon sec de chez Jean-Bernard Larrieu. Accord étonnant mais pourquoi pas. Légèrement perlant, ce vin (gros et petit manseng) fait plaisir.
Déjà, en le voyant sur la carte, ce plat me faisait de l'oeil : Poitrine de volaille grillée rafraîchie au Kurakkan ("variété de millet sauvage" dixit Google) et quinoa, jus mousseux au pain et à l'anchois. Il y a aussi des petites girolles, joie ! A côté, un aligot croûté, bien bien fromagé ! Mes sens sont en éveil ! Et, voilà un excellent plat ! Cuisson optimum pour rendre la viande tendre et juteuse, assaisonnement qui exalte arômes des légumes et de la volaille... rien à redire, juste manger et apprécier ce plat.
Pour l'accompagner, j'ai le droit à un verre de châteauneuf du pape de chez Laurent Charvin. Belle rondeur et joli fruit. Un très bon vin avec un très bon plat.
A la table d'à côté, notre couple goûte le mauzac du domaine Plageole, évidemment "nature". L'homme acquiesce mais ne dit pas grand chose. Elle, bois et sort un "ça va aller". C'est sûr que pour des adeptes des vins plats et conventionnels, ça doit changer ! Très osé tout de même pour le sommelier de proposer un tel vin à des personnes rétives à cette catégorie....
Pour le fromage, j'ai un triple choix à faire : non pas sur les types proposés, malheureusement, pas de plateau de fromages à la Halles aux Grains, mais le sommelier vient me proposer soit du vin rouge, soit du vin blanc. Excellente initiative que de donner le choix ! Je demande qu'elle serait le blanc. Réponse " une jurançon sec...."... que j'ai déjà eu donc... petit loupé. Je prendrai donc plutôt un verre avec mon dessert !
Côté fromage, de très beaux spécimens : une moitié de cabécou, une lichette de laguiole (évidemment) et un peu de roquefort. On reste dans le terroir tant chéri du chef. Pour accompagner ça des graines et une purée de courge et abricots. Conforme aux attentes. Le pain, très bon, n'est pas non plus incroyable. La star demeure le fromage.
Assiette généreuse pour le dessert : sous un voile de kasha, chicorée et meringue pois-chiche, pousses de pois et lait de coco-riz. Sous la tuile croustillante de sarrasin, un crème onctueuse qui cache des meringues. Avec les pousses, on obtient un dessert frais et délicieux. Le sucre très peu présent ne manque pas. Ce dessert à la carte est affiché au prix de 17€.
Pour le vin découverte d'un ondenc en vendange tardive de 2014 du domaine Plageole. Rond mais pas vraiment sucré, c'est un belle découverte.
Pas de café (Verlet) ce soir. Et c'est déjà l'heure de l'addition, ça n'a pas traîné (50 minutes). J'en ai pour 117€. Et franchement, aucune fausse note à signaler dans cette partition de Michel Bras. Tout au plus, j'aurais préféré un accord mets-vins plus réfléchi, mais j'ai tout de même passé une belle soirée. Une table taillée pour recevoir 1 étoile lors de la prochaine parution du guide Michelin.
La Halle aux grains
2 Rue de Viarmes
75001 Paris (métro Les Halles)
Fermé le mardi midi
Tel : 01 82 71 71 60
Les +:
_ cuisine parfaitement exécutée
_ produits magnifiques
_ "ligne éditoriale" tenue avec des graines un peu partout
_ service pro et efficace
_ superbe vue
Les -:
_ accord mets-vins qui mériterait d'être plus réfléchi
_ accueil un peu désorganisé