[Edit 27/01/2020 : sans surprise, le restaurant Fleur de Pavé a glané la première étoile Michelin lors de la cérémonie du Guide Rouge]
Le chef Sylvain Sendra a durant deux ans bourlingué dans le monde en laissant derrière lui Itinéraires, un restaurant étoilé du Vème arrondissement. Le re-voilà donc à Paris avec sa nouvelle adresse, Fleur de pavé qui place la barre très haut.
Quand on réserve dans ce restaurant, on choisit où on veut manger : au comptoir ou à l'étage, dans une salle cosy. Chouette ! Je peux choisir de m'accouder au zinc !
Dans le coin de la Bourse, il y a pléthore de restaurants et même des pas mal du tout (Accents par exemple, le premier nom qui me vient à l'esprit). Mais la concurrence ne fait pas peur au jeune chef (pas si jeune que ça de son propre aveu) qui a installé sur un trottoir de la rue Lelong, sa Fleur de Pavé, quoi de plus normal?
Devanture sombre avec des boiseries de style ancien, c'est plutôt chic. Ce restaurant prend la place de Mémère Paulette. Rassurez-vous, Pépère Jean juste à côté est toujours ouvert !
On rentre directement sur le comptoir où toute la brigade s'active au diapason du chef. Musique jazz pas très forte. joli carrelage noir et blanc, mais on n'échappe pas aux côtés "bruts" des murs au rez-de-chaussée. En guise de zinc, un comptoir en bois vernis. La salle a l'étage n'a rien à voir a priori, bien plus designée et cosy.
Ainsi, déjeuner sur ces chaises hautes, revient à s'inviter en cuisine, puisque tous les plats vont être préparés sous mes yeux, place VIP.
Pour la carte, les prix sont élevés même si un menu "parfum végétal" en 4 services s'affiche à 45€. Les entrées à la carte vont de 18 à 29€ et les plats de 28 à 48€ quand même. Dans ces conditions, le menu "Dégustation" en 6 services fait figure de bonne affaire à 95€, car faisant mes petits calculs dans ma tête, je dépassais déjà les 100€ avec les 3 services qui m'intéressaient à la carte.
Lors de la prise de commande, le chef est prêt à s'adapter aux moindres envies, et essaye de sonder mes goûts au mieux. Le menu indiqué semble plus indicatif qu'autre chose. En tout cas, il règne une excellente ambiance dans cette cuisine où ça rigole gentiment, les sourires sont de sortie et tout ça en turbinant sans s'arrêter.
Avant même de faire mon choix, les amuse-bouche sont disposés devant moi. Le premier vient chercher dans la fraîcheur, tandis que la seconde tartelette envoie du bois ! Enfin, la petite brioche - en fait pain écossais - qui se trempe dans une super huile d'olive est un délice absolu, mais il faut que je me réfreine, 6 plats m'attendent. Pas touche non plus à l'excellent pain de campagne !
Mais je n'en ai pas fini avec les amuse-bouche puisque voici celle du chef : chou-fleur et vanille. Accord parfait entre l'épice et ce légume, c'est assez puissant, on sent qu'on monte en niveau.
Venir dans un restaurant gastronomique et se voir servir... une salade de tomates ! Ha bravo ! Elle est belle la France ! Mais attention, ici les fruits sont en provenance direct sur sorcier des maraîchers, le grand M Yamashita, l'assurance de l'excellence. En plus, il n'y a pas que des tomates (de plusieurs sortes), puisqu'il y a des groseilles et des cerises et différentes espèces de basilic... L'assaisonnement non plus ne laisse rien au hasard, vinaigrette au soja et léger fumé de poisson. C'est frais, ça explose en bouche, c'est un petit bonheur que je picore gaillardement et avec entrain !
Puis, encore de la verdure. J'ai l'impression que Monsieur Yamashita s'est fait dévalisé ce matin ! Dans ce méli-melo de légumes crus (chou, navet daïkon, carotte, tomates...) les tranches de concombre interpellent : elles sont en forme de coeur. Hasard de la nature? Non, torture digne des bonsaïs administrée éhontément par ce monsieur Yamashita ! Ha bravo !
Pour compléter le tableau, rajoutez des amandes torréfiés, du parmesan très parfumé (mais pas trop), une purée d'épinard et surtout un praliné (oui, oui!) et vous obtenez une salade qui détonne ! Un régal complet qui me fait penser que ce menu à 45€ doit valoir le déplacement lui aussi.
Passés les amuse-bouche puis les entrées, c'est au tour du poisson : Cabillaud cuit lentement, radis daïkon et pesto de coriandre, jus pomme gingembre. La portion peut paraître congrue, mais on se trouve dans le cadre d'un menu dégustation, et je dois avouer qu'à ce moment du repas, j'ai des indices flagrant que ma satiété est sur le point d'être comblée.
Cuisson parfaite du poisson qui se détaille en pétales soyeux, et harmonie complète des saveurs : c'est une belle symphonie qui se joue en bouche, ça fait mouche !
Puis place à un plat "surprise", le chef teste ses recettes, ici un Ragoût de champignon de Paris. Ça sent bon, mais malheureusement la sauce au vin rouge, trop puissante recouvre le goût des champignons et chanterelles. Tout ça est bien plat après les magnifiques assiettes qui ont précédé. Je me sens obligé de le dire au chef, il est juste devant moi, alors bon... Il semble bien prendre mes remarques, ouf. L'avantage dans cette position de vigie au comptoir, il y a peu de chance qu'il crachat dans les plats qui suivent !
Et ça s'enchaîne ! Ça y est, je n'ai plus faim. Mais ce Canard de la maison Burgaud, Maïs de M Yamashita, purée en deux façons a l'air des plus appétissant ! Ça sent bon ! Il y a deux petits tas d'épices dans l'assiette (zaatar et sumac), et le chef de me conseiller d'en mettre sur la viande. Le jus est magnifique, il se complète avec un beurre maître d'hôtel qui fond au fur et à mesure de la dégustation. C'est délicieux.
A côté, c'est la "purée-signature" du chef : façon Robuchon (mais ps trop embeurrée) et l'autre au siphon. C'est magnifique, c'est régalant à souhait. Mon estomac n'en peut plus, qu'importe, je continue !
L'approche du fromage par le chef est intéressante, et quand il s'agit de l'expliquer, Maxime en salle s'avère des plus convaincants : rejetant toute idée de retravailler le fromage, il imagine ces derniers avec une notion d'accord de saveurs. Ainsi, avec le Saint-Maure de Touraine, le Saint-Nectaire et le Comté, tous affinés par la maison Mons, 3 condiments à associer : des graines de grenade en pickles, des fruits sec et enfin une pâte de figue au vin jaune. Sur le chèvre, pourquoi pas, mais je ne suis pas plus emballé que ça. Par contre avec le fromage d'Auvergne, c'est une toute autre histoire ! Alliance parfaite. et que dire de la troisième association de saveur, c'est canonnissime ! Rien que pour ça, le fromage (+18€ quand même) vaut le détour !
Tout dégoulinant, le rouge aux joues, je "survie". On va passer aux desserts, et le chef comprenant que mon taux de remplissage est arrivé à son maximum, décide de bifurquer par rapport à la carte en faisant préparer deux desserts plus légers. Ouf !
C'est donc au tour de Benoit Nourrit de rentrer en scène. Avec une infinie minutie, il dresse la Tartelette abricot, chantilly au miel, tagète et romarin. Elle est magnifique. Au goût, le romain bien présent se marie à merveille avec le fruit. Ça joue avec les textures, les goûts, c'est vraiment très bon. Ma gourmandise surpasse mon appétit.
Le deuxième dessert ne tarde pas à suivre, il est bientôt 15h quand même, le temps file. Autour des algues, caramel au beurre salé, sarrasin, salicorne. La Bretagne dans une assiette. C'est la vraie révélation de ce repas, l'alliance des algues puissantes dans un dessert sucré, c'est magnifique. Voilà une découverte qui fait plaisir !
Je n'en peux plus. Mais il y a quand même les mignardises ! Pâtes de fruits framboise fraise et tartelettes chocolat et câpres. et dans un autre récipient, deux guimauves. C'est trop ! Je ne goûte qu'à la pâte de fruit. Je vais exploser façon Monty Python le sens de la vie.
Pour le vin, je me suis laissé guider d'abord avec un vin blanc italien : un bianco veneto, le Poldo (11€). Très surprenant et atypique, avec un vrai corps et des notes fruitées, il s'est bien marié avec le début du repas. Ensuite, pour la viande, j'ai eu le droit à un Saint-Joseph 2015 de Jean-Claude Marsanne. Délicieux vin qui lui aussi a fait bon ménage avec le canard.
Quand la note finale arrive, pas de surprise, c'est élevé : 130€. Mais ça vaut le prix. En entrant dans le détail, une bonne et une mauvaise surprise. La bonne, le verre de vin rouge à 13€, m'a été offert ! Top ! La mauvaise, l'eau micro-filtrée "Aquachiara" est facturée... 6 euros ! Argl! Au final je suis gagnant mais quand même, c'est de plus en plus rare de devoir payer ça.
Ce restaurant Fleur de Pavé est tout simplement épatant. Sa bonne ambiance, sa cuisine d'auteur, ses produits magnifiques, tout participe à passer un grand moment. Par contre il faut squatter les quelques places du comptoir absolument, c'est là que tout se passe j'ai l'impression !
Fleur de pavé
5 Rue Paul Lelong
75002 Paris (métro Bourse / Sentier)
Tel : 01 40 26 38 87
Fermé samedi et dimanche
Les +:
_ cuisine créative de très haut niveau
_ super produits
_ ambiance amicale, accueil au top
_ places au comptoir qui permettent d'échanger avec le chef
_ super pain
Les -:
_ l'eau micro-filtrée à 6€