Imperial Treasure (Paris 8) : Le luxe à la chinoise

En Asie, la marque "Imperial Treasure" rime immanquablement avec haute gastronomie. Fort déjà de 6 restaurants (dont 4 étoilés!), voilà que ce restaurant pose ses casseroles à Paris.

A Shanghaï, c'est 2 étoiles. A Singapour, Hong Kong et Canton, c'est 1 étoile. Installé depuis peu à Londres, Imperial Treasure a acquis une assiette Michelin. Bigre ! C'est impressionnant !

Dans un immeuble partagé avec La Clef Hôtel à deux pas des Champs Elysées, la prestigieuse enseigne s'attaque au marché français avec le plein d'ambition dans ses bagages. Entrée sobre et accueil des plus charmants par une hôtesse en habit traditionnel.

La salle n'est pas bien grande, une dizaine de tables tout au plus. Deux colonnes au style incertain frôlent la zone du kitsch. Luminaires contemporain en laiton clinquant et grands idéogrammes en guise d'oeuvre d'art sur les murs. Avec ce sol en plastique, ça me rappelle vraiment les déco sans âme des restaurants de Canton ! De la musique au mètre un peu vieillotte habille l'atmosphère.

Comme il se doit, la carte multiplie les propositions : 78 au total ! Deux menus dégustations (en 8 services) sont disponibles à partir de 2 ou 4 personnes à 98€ ou 118€. Mais les personnes esseulées comme moi ont le droit au leur au déjeuner en 5 temps à 48€ ou 70€. Au niveau des prix de la carte, on est loin du petit boui-boui du 13ème arrondissement où l'on se régale pour moins de 20 euros... Ici, c'est le prix d'une entrée ! Comptez le double ou le triple pour un plat et jusqu'à 118€ pour le canard laqué en 2 services. Quelques ingrédients moins courants se cachent de-ci de-là comme des ormeaux, des oeufs de cent ans ou encore de la méduse, mais c'est à peu près tout.

Je choisis donc le menu découverte avec l'accord vin-mets proposé à 110€... et puis je rajoute quand même une entrée à la carte qui me fait envie !

Mais mon repas commence par l'amuse-bouche, véritable entraînement pour bien s'assurer que déjeuner avec des baguettes ne pose pas de problèmes : des mini-cubes de tofu mariné avec des encore plus mini-morceaux de céleri ! C'est plutôt bon, et picorer ainsi ouvre l'appétit.

Le menu débute avec une assiette minimaliste aux allures d'amuse-bouche : Canard Laqué et oeuf mollet fumé au thé chinois. Deux petits morceaux de volaille avec une peau bien brune, et un demi-oeuf calé dans une cuillère. La viande donne un aperçu du plat à 118€, elle est juteuse, soyeuse, goûteuse, en un mot : sublime ! La petite gelée de prune lui donne de belles notes aigres-douces.

Mais la claque, je l'ai prise juste après avec cet oeuf qui n'a l'air de rien. Whahou ! Quelle merveille ! Les notes fumées de thé ne font pas de la figuration, avec le gras du jaune encore crémeux, elles forment une poésie culinaire puissante en bouche !

Oreille et langue de cochon marinées : vous comprendrez qu'avec un tel intitulé je ne pouvais que prendre cette entrée à la carte en supplément (20€) ! Et je ne suis pas déçu du voyage ! Les tranches de ce petit saucisson froid que l'on trempe dans une sauce huître et ail sont un régal. Et là, j'ai vraiment l'équivalent en taille d'une entrée honnête.

Arrive ensuite un panier vapeur qui est ouvert sous mon nez avec... 3 dumplings... Ce n'est pas dans le menu ça ! Se rendant compte de son erreur, et se confondant en excuses, je vois arriver le bon panier avec ses deux petits Xiao long bao. Ces raviolis de Shanghai ont été popularisés récemment à Paris avec Petit Bao qui en a fait sa spécialité ! Cuillère en main pour récolter le bouillon je goûte. C'est bon et bien parfumé. Mais j'aurais aimé un peu plus d'intensité et de tenue dans les saveurs de cochon. Idem pour le ravioli dans son ensemble. Les 6 bouchées à la carte sont facturées tout de même 22€...

Avec comme intitulé "Filet de turbot poché dans son bouillon, feuilles de moutarde vinaigrées", je pouvais m'attendre à un joli plat qui joue sur l'acidité. Hé bien non ! C'est plutôt plan-plan, avec des morceaux de poisson un peu trop cuits. Les champignons blancs - dont j'ignore le nom - n'apportent pas grand chose. Petite déception.

J'ai le droit ensuite, à UNE crevette, mais quelle crevette ! Une impériale carabinero sautée et riz gluant. La taille de ce crustacé a de quoi impressionner! Parfaitement cuite, elle est encore bien juteuse et dégage de bons arômes. Quant au riz gluant, il accompagne bien l'affaire avec ses notes iodées.

Puis vint l'heure du dessert... On le sait, la Chine se trouve plutôt en délicatesse avec ce moment du repas très occidental. Ainsi, ma crème de mangue, pomélo et perles de sabou ressemble plus à un jus de fruit épais bien sucré qu'autre chose. Pas vraiment gastronomique. En plus en guise d'accord, un verre de Tokay doux m'est servi, rajoutant autant de sucrosité à cette note finale qui manque singulièrement d'équilibre.

Pas de mignardise au moment de l'addition, mais une oreille attentive sur mes retours pour ce déjeuner. Venant d'ouvrir, l'établissement cherche à plaire autant à sa clientèle chinoise (majoritaire ce jour-là) qu'aux ronchons Français, et se montre à l'écoute. Sans surprise donc, ma banquière va apprécier : 130€ pour ce déjeuner qui aurait pu être frugal si je n'avais pas pris une entrée en sus. Il y a de l'excellence qui se prépare dans les cuisines mais aussi des déceptions. Difficile d'atteindre systématiquement des sommets gastronomiques avec autant de plats à la carte! Avec quelques réglages, cet Imperial Treasure devrait combler les Chinois en mal du pays et les Français en manque d'exotisme. Quant à moi, je reviendrai à coup sûr pour goûter leur poitrine croustillante de cochon ibérique (entrée à 20€) qui a tout l'air de promettre une extase de gourmandise !

Imperial Treasure
44 Rue de Bassano
75008 Paris (métro George V)

Tel : 01 58 56 29 13

Ouvert tous les jours

Les +:
_ des plats soignés et certains excellents
_ service de qualité et à l'écoute
_ des plats peu courants
_ des spécialités qui doivent régaler (canard laqué et Poitrine croustillante)

Les -:
_ déco un peu kitch
_ des plats décevants
_ dessert hors sujet complet dans un restaurant gastronomique

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