Parmi les nouveaux restaurant de 2021 en voilà un qui avait de sérieux atouts pour me plaire : chef japonais - Hiroyuki Ushiro, avec une adresse presque à son nom - Shiro, promesse d'une belle cuisine d'auteur. Au final, l'ennui.
Par Arnaud Morisse
"Le meilleur restaurant japonais de Paris", rien que ça ! C'est ce que s'auto-proclame en toute décontraction le site officiel de Shiro, un nouveau restaurant du très chic boulevard Saint Germain. C'est bien simple, on a affaire ici à un emplacement de rêve : juste derrière l'église et à une encablure des Deux Magots et du Café de Flore. Je n'ose imaginer le loyer d'un tel lieu !
Outre la terrasse sur le trottoir, la salle jouit d'une décoration très soignée (on oubliera les lierres en plastique au-dessus du bar) et plutôt réussie dans les tons noirs (un comble quand on s'appelle Shiro, "blanc" en japonais).
Joie ! Je suis installé au comptoir, place de choix pour voir le chef à l'oeuvre. Evidemment, dans un tel lieu, seul un menu omakase a un sens. Pour 69€, on annonce 6 plats (dont l'amuse-bouche). Je rajoute par dessus un accord "découverte pour 35€. Banco ! Au déjeuner, un bento est disponible pour 35€.
Niveau sonore élevé. Non content de mettre de la musique (du jazz pour faire chic), les fenêtres grandes ouvertes laissent entrer le vacarme de la rue. Le boulevard Saint Germain étant encore l'une des artères très fréquentées de Paris...
Arrivant tôt, mon amuse-bouche déboule très vite. Dans un petit bol, une émulsion (j'avoue ne plus me souvenir de quoi..., pas très bon signe) avec des fine lamelles de radis et navets de couleur. Je ne me souviens que de la belle impression de fraîcheur laissée par le tout. Sympathique et coloré.
Tient, voilà qu'avec son Canon pro, une jeune instagrammeuse "food" aux belles gambettes vient de débarquer. A elle les jolies photos ! Invitée? Je ne sais pas!
Pour "aller" avec ce début de repas, on me sert un "saké japonais". Me voilà rendu avec autant d'explications! Toujours est-il qu'il s'avère plutôt bon, mais ne s'accorde guère avec ce début de repas.
Je le vois préparer devant moi. Je n'ose croire qu'ici, on va me servir "ça". Oui, voilà que je me retrouve avec un "tartare de saumon et avocat" ! Où est la "cuisine inventive" vantée par le site? Des petits points de sauce au poivron, un mélange aigre-doux sur le dessus et 12 oeufs d'un mini-mini caviar (imperceptible à la dégustation). Cuisine d'hôtel intercontinental des années 90. Bref, aucun intérêt. Le gras de l'avocat se rajoutant à celui du saumon (pourtant "Label Rouge"), ce plat mythique d'antan s'avère toujours aussi indigeste. D'ailleurs, en guise de pain : c'est une mini-boule de pain blanc comme jadis autrefois !
Voilà la suite : Daurade, tamagoyaki, dashi. Sur le dessus, des oeufs de saumon. Enfin un peu d'inventivité. Las ! Le bouillon dashi s'avère insipide au possible. Aucun relief ne sort du tout. L'ennui.
Pour le vin, on enchaîne avec un "sancerre". La belle histoire ! Je demande à avoir tout de même un soupçon de précision. On m'apporte donc la bouteille (oui, les verres ne sont pas servis devant les clients...) : sancerre de chez Florian Mollet 2019. Un joli vin sans grand caractère mais qui passe bien. On en profite pour me présenter aussi celle de saké du début : Keigetsu, Aikawa-Homare, Yamaha Junmai.
C'est l'heure du poisson : Cabillaud daikon. Petit manque d'assaisonnement sur le poisson un peu trop cuit, mais ça reste correct. Le daikon n'apporte pas grand chose, tout comme le jolies tuiles alvéolées du dessus. C'est plat.
Joie, le restaurant voisin donne un concert de jazz. Me voilà avec une double partition dans les oreilles. Bruit cacophonique, un must pour bien manger tranquillement !
C'est l'heure du plat principal. A la prise de commande, on m'avait demandé si je souhaitais du boeuf wagyu... moyennant un gentil supplément de 20€. Niet ! J'ai donc le droit à deux morceaux de boeuf angus bien saignant accompagnés de purée de brocoli, de pommes de terre, de chips de racine de lotus et d'un jus dense au vin. Malheureusement, j'ai l'impression que la viande vient du filet de l'animal... là où il n'y a aucun gras. Donc, peu de goût. La sauce relève un peu le tout, sans être folle. Le très bon point vient de ces chips, délicieuses ! Mais je vois les autres assiettes partir juste devant moi, et je m'aperçois que chaque assiette ne bénéficie que d'un seul morceau de viande.... Serait-ce là un traitement de faveur pour moi? Une forme de corruption me voyant seul à prendre des photos des plats? Peut-être bien !
Tout comme pour le vin qui arrive pour accompagner ce plat de viande : après un gentil sancerre, voilà qu'on dégaine un beaune Premier cru les Cents vignes du château de Meursault 2017. Très bon !
Le chef me demande si c'est bon, je réponds poliment par un discret oui. Voilà, c'est bon, mais pas fou.
Le volume sonore augmente encore, les bruits de cuisine et les discussions des clients qui ont désormais rempli la salle se sur-rajoutent à l'existant. Il me tarde de partir et retrouver le calme - tout relatif - du métro, c'est dire !
Ha ! moi qui me plains du manque de relief et de caractère, je me réjouis quand je vois arriver le dessert : Pavlova yuzu et pamplemousse. Là je dois en prendre plein les papilles ! Mais acide sur acide, ça ne fonctionne pas vraiment. C'est très déséquilibré et même un peu pénible à manger.
Il me tarde de quitter les lieux. On m'apporte en même temps que l'addition les trois mignardises qui ne m'ont pas l'air folles. Je paie. 103€. je file sans même les avoir goûtées. Ce Shiro propose une cuisine oecuménique et internationale, telle qu'on avait l'habitude de trouver dans les restaurants d'hôtel ou dans les aéroports jadis. C'est joli, incontestablement bien fait, mais alors sans âme ni caractère.
Shiro
168 Boulevard St Germain
75006 Paris (métro Saint Germain des prés)
ouvert tous les jours
tel : 01 56 81 91 62
Les +:
_ places au comptoir
_ jolis dressages
_ déco sympa
Les -:
_ cuisine datée et sans caractère
_ très très bruyant
_ très cher au final