Datil (Paris 3) : sublime de bout en bout !

Parmi les ouvertures attendues, Datil de Manon Fleury figurait tout en haut de ma liste ! Et, malgré mes attentes très élevées, j'ai été plus qu'emballé, bluffé ! Un nouveau restaurant à tester d'urgence avant que les prix flambent avec l'arrivée de l'étoile !

Par Arnaud Morisse

Dès l'annonce de l'ouverture des réservations de Datil, je me suis jeté comme un mort de faim sur l'interface internet en espérant très fort que ce soit possible d'y dîner un lundi soir ! Oui ! Joie ! Je parviens même à réserver (avec une empreinte bancaire) alors que bon nombre de dates affichaient déjà complet.

Manon Fleury, c'est le petit miracle culinaire qui a fait connaître le Mermoz il y a de ça quelques années. Sa cuisine pleine de saveurs et de sens avait enthousiasmé la scène gastronomique parisienne comme ils disent dans les journaux. J'avoue que je me souviens encore de mon déjeuner là-bas, il y a 5 ans ! Sa poitrine de cochon confite..... miam.... son gâteau nantais au coing.... re-miam.... et ce tartare plein de textures! J'en salive encore!

J'arrive donc à 19h15 pétante. La porte est encore close. Je vois que je ne suis pas le seul à attendre. Moi qui suis habitué à dîner dans des nouveaux restaurants vides en attente de clients, là je sens que ça va être complet. L'aura de la dame a parlé !

La salle, toute en longueur, se divise en 3 sections : la basse - à la déco plus que sommaire voire absente, avec du mobilier style suédois et des nappes blanches sur les tables, une autre section en face d'un bar qui a un peu de style, et enfin, le Graal, une section qui pénètre presque en cuisine ! Bon, faut pas rêver, je suis cantonné à la première partie. Lumière tamisée, musique calme, et personnel souriant propre sur lui.

Le menu : imposé en 8 étapes pour 120€ TTC. Soit. On peut y rajouter un accord mets-vins pour 55€. Ce soir, je ne me contenterai que d'un verre. Je donne pour mission à la sommelière de me servir le vin de son choix sur le plat de son choix en précisant que je veux être surpris. Mission ardue !

La salle se remplit vite.

On commence ce dîner avec le maïs décliné en 4 versions : Une infusion froide (rafraîchissante et goûteuse), une tuile extra-fine enrichie en fenouil et fleurs, un flan à l'huile de tagette et enfin un beignet façon tempura. Bim, dès le départ ça dépote ! Quelle maîtrise ! quelles puissance dans les saveurs ! C'est malin, fin, et surtout super bon ! Voilà qui met en appétit et qui annonce le meilleur pour la suite.

Arrive ensuite la première entrée : Saint-Jacques et Navet. On est dans la saison ! La noix a été mariné dans du jus d'agrumes, mais reste crue. Des petites fleurs, feuilles et physalis viennent chacun apporter ses saveurs en jouant amoureusement avec le côté sucré du coquillage. Que dire d'autres que c'est excellent? La portion a un goût de trop peu peut-être? Mais diable que c'est bon cette affaire !

A côté, une tranche de pain au levain de chez Ten Belles Bread qui est servie avec une crème de graines de tournesol. On arrête tout ! C'est atrocément bon ! Je pourrai faire le repas entier avec ça !

Côté vin, la sommelière a décidé de servir mon verre sur ce plat : ce sera un blanc espagnol : Arenas de Santyuste, cépage Verdejo issus de plan préphylloxériques de plus de 100 ans ! Bien vu ! De la puissance en bouche mais aussi une belle fraîcheur, ça se marie plutôt bien avec l'entrée. Suis-je vraiment surpris? A moitié, je ne connaissais pas ce vin, mais l'accord ne me surprend pas.

Une petite attente me permet de me ruer sur cette crème de tournesol.... Ha ! Voici la Crevette impériale et pêche ! Un bol qui sent bon, avec à côté une infusion chaude de carapaces de crustacés. Je plonge ma cuillère là-dedans, et là, ébahi, je découvre le bonheur ! C'est complètement fifou tant c'est bon ! La puissance de la crevette crue est justement soulignée par la pêche, et tout l'assaisonnement autour.... whoua ! Peut-être le meilleur plat que j'ai mangé cette année. Je suis soufflé !

Quand arrive le plat suivant, ça fait un peu chiche... deux minuscules bouts de poireaux au milieu d'une grande assiette et à côté, qui paraît bien plus appétissant une brochette de ventrêche de porc noir de Bigorre et Seiche. Je goûte le légume. Bof, bon, sans plus. Mais je n'ai pas trempé dans le jus sombre qui a été versé avec parcimonie dans l'assiette . Et là, oui, d'accord, c'est excellent ! Et cette brochette que je déguste telle une friandise.... Il y a de la diablerie dans ces assiettes !

La suite ne respire pas non plus la générosité. Intitulé sobrement feuilles à feuilles, on se croirait devant un tableau d'André Breton ou de Picabia. C'est un mille-feuille de pommes de terre et courge, avec sous la feuille de capucin des haricots et un jus de légumes extraits des parures de légumes et réduit au max comme un jus de viande. et une nouvelle fois, c'est ce qui fait la différence ! C'est intense et délicieux.

Pause rappelant un trou normand en guise de pré-dessert avec ce sorbet framboise-vermouth. C'est vif, équilibré parfaitement et totalement rafraîchissant.

Point d'orgue, le dessert. Figue et feuilles de figuier. D'un côté une figue sur une galette gourmande de frikeh, qui baigne dans du lait d'amande avec du vinaigre de feuille de figuier. A côté une glace de feuilles de figuier. Le tout, un beau moment sucré.... et pour une fois dans une portion correcte !

Enfin, mignardises/infusion sont aussi au programme du menu avec une déclinaison autour de la prune datil. Fallait bien qu'elle arrive celle-là ! C'est charmant et apaisant pour terminer.

J'ajoute un cascara du guatelama en guise de café (c'est une infusion de pulpe de café, ultra-légère) et je suis bon pour demander l'addition quelques 2h45 après mon arrivée ! Un temps long sans doute nécessaire pour l'excellence, mais d'autant plus long quand internet ne passe pas les murs. Mais qu'importe, c'était tellement bon !

L'addition arrive : 146€. 120€ de menu comme prévu, le cascara à 8€, le verre de vin surprise à 14€, et.... l'eau plate "micro-filtrée" à 4€. Voilà qui a de quoi refroidir. C'est idiot de passer ça en supplément qui fait mal au c... alors qu'un menu à 125€ eau comprise ne ferait pas mesquin comme ça. Mais ça devient courant malheureusement de payer son eau, la douce exception française est en train de se perdre...

Bref, pour en revenir à l'essentiel, mes attentes ont plus qu'été comblées. Mano Fleury dès le début impose sa marque avec une maîtrise totale sur le sourcing, les cuissons, les assaisonnements, c'est intelligent, c'est beau, c'est audacieux et au final simplement délicieux ! Attention cependant, les portions ne pesant pas lourd pour ces débuts, il est possible d'avoir faim en fin de repas... Au déjeuner menu à 65€ en 4 services.

Datil
13 Rue des Gravilliers
75003 Paris (métro Arts et métiers)

Fermé samedi dimanche, lundi midi et mardi midi.

Les +:
_ cuisine sublime à partir de produits de saison d'une qualité exceptionnelle
_ service encore en rodage mais toujours souriant avec des personnalités
_ carte des vins qui mise exclusivement sur les découvertes !
_ pain Ten Belle

Les -:
_ portions minimalistes, on peut avoir faim en fin de repas
_ l'eau en carafe facturée 4€
_ prévoir presque 3h pour le dîner