Le groupe Moma de Benjamin Patou n'en finit plus d'étendre son empire dans le monde de la restauration après avoir commencer dans l'univers de la nuit. Dernière reprise en date avec l'aide de Marc Veyrat : La Fontaine Gaillon rachetée à un certain Gérard Depardieu.
Pour le Moma Group, il faut de la paillette, de l'esbroufe, de l'effet "whahou" et un soupçon de flambe. On comprend mieux que ce groupe ait connu un bel essors dans le monde des boîtes de nuit (L'Arc ou le Bus Paladium). Depuis, c'est sur les établissements qui en jettent que Benjamin Patou a jeté son dévolu. Par exemple, le flamboyant Ran ou le beau Froufrou font partie de cette galaxie, deux restaurants qui ont aussi pour point commun de m'avoir franchement déplu... Les deux occupant les 3èmes et 4èmes places de mon classement peu enviables des pires restaurants de 2019.
Mais cette fois-ci, la caution Marc Veyrat a été rajoutée au joli petit lot pour m'aguicher. Et je dois bien dire que Rural (du même groupe), ne m'avait pas à ce point déçu, alors, une bonne surprise en perspective?
L'emplacement de la Fontaine Gaillon est "chic-issime", avec cette belle terrasse qui entoure le monument historique.
La déco de la salle a été refaite à neuf m'apprend-t-on. Oui, je n'avais jamais mis les pieds dans cet établissement de l'époque Depardieu. Bleu sombre et dorures au programme. on évite le côté bling-bling que l'on peut trouver ailleurs.
Tiens ! A une table un ancien conseiller haut placé dans le groupe média dans lequel je travaillais jadis. Il déjeune avec celui qu'on appelait à l'époque le "Mark Zuckerberg français" ou plus prosaïquement le "capucheux". Oui, à l'approche de 50 ans, certains se permettent encore de porter des hoodies ! Je pouffe intérieurement.
Et à une autre table, l'ancien conseiller sécurité de Nicolas Sarkozy qui squatte à présent les plateaux télé en tant "qu'expert". Du beau linge en somme.
Je comprends un peu leur présence en voyant la carte : menu déjeuner sans choix à 45€ (avec des poireaux brûlés en entrées, une ballottine de volaille et une tarte citron en dessert), et des tarifs qui volent encore plus haut sur la carte : entrées de 18 à 42€ et plats de 22 à 48€ pour des intitulés chics et classiques renforcés de-ci de-là de truffe ou de caviar. So cher, so chic !
Dans une grande assiette arrive l'amuse-bouche : de petites rillettes de sandre et un toast au foie gras et chutney poire. Le premier élément ne m'emballe pas plus que ça, tandis que le second ravit plus mes papilles, le foie est bon. Je regrette quand même que le "toast" n'ait pas été "toasté"... Une tranche molle se trouve donc en soutien.
Les choses se passent mieux avec le pain ! De très belle qualité ! Par contre, poser le beurre sur de la mousse ("les herbes sauvages, la montagne, Manigod tsé") n'en facilite pas la découpe, d'autant que sortant du frigo, il est plutôt costaud.
En attendant la suite, mon oreille gauche s'attarde sur la table des as du marketing des médias et ça cause business avec force anglicismes qui confinent au ridicule. J'ai donc noté (oui, je me suis ennuyé....) "meeting", "digital", "sleeping partners", "from scratch", "jouer le game" ponctués par des "no way!" tonitruants
Telle un OVNI, voici mon "entrée" ou "plat", enfin, je ne sais pas, c'était dans une section intermédiaire du menu intitulée "cru". Ce disque de Carpaccio de langoustines, marinade passion, fleur de sel est tout de même facturé 32€. Le prix d'un plat, mais avec la quantité d'une petite entrée ! Belle performance en tout cas d'avoir transformé le crustacé en cette couche inférieure à un demi-millimètre et quasi-translucide. La section R&D de Moma Group a tout donné sur ce coup-là ! Pas vraiment joli ni appétissant, ça a le mérite d’interpeller. Je gratte avec ma fourchette pour récupérer le peu de chair collée à l'assiette, et c'est plutôt bon. Classique mariage iodé et fruité qui doit ravir les maniaques des régimes qui ne veulent pas avoir de grosses sensations en bouche.
C'est reparti pour l'attente. Ha? Cette fois-ci, ça ne parle plus boulot à côté et, comme par magie le jargon ridicule a laissé la place à des mots français. La séquence "bullshit" pour faire impression a pris fin !
Patiemment j'attends de très longues minutes. Voilà déjà 50 minutes que je suis arrivé...
Voilà mon plat enfin ! Carré d'agneau au thym des montagnes, avec en accompagnement une salade de cresson d'un côté, et de l'autre un attelage étonnant de fondue de poireau et une unique frite Pont-Neuf qui baigne dans une crème... Pourquoi pas !
Si je n'ai que deux petite côtelettes dans l'assiette (à 38 euros tout de même), elles sont d'une belle épaisseur. Gros problème : elles sont à peine tiède. De plus la cuisson demandée rosée se révèle aléatoire, allant du bien cuit au cru. Je me bats avec mon couteau pour découper des bouchées honnêtes, la tendreté n'est pas vraiment de mise. Le jus miroir est réussi et plutôt agréable. Mais en transvasant les poireaux ou la salade, il se retrouve ruiné par le mélange. Pas convainquant et assez morne.
Quand on vient me reprendre l'assiette, je signale ma déception sur la chaleur du plat. Illico, on me propose une nouvelle côte d'agneau pour se faire pardonner. Ce que je décline poliment, n'ayant guère été séduit par la qualité de la bidoche....
Mais ils ne s'en laissent pas compter là, et comme par magie et quasi-immédiatement m'est servi un Sabayon de pomme de terre, jus corsé et truffe... Comme si répondre à des déceptions était déjà prévu, la coupe prête à être dégainée !
Je suis sûr qu'un jour je vivrai en vrai ce sketch des Monty Python :
Et je dois dire que c'est pas mal comme compensation. Un peu gourmand, un peu canaille, un peu luxe mais au final bon. Dommage de ne pas avoir eu cet accompagnement avec mon plat !
Voilà l'heure de passée à table. Ils s'agitent au service. A côté, deux banquiers racontent leurs souvenirs d'employés (au pluriel oui) qui se sont suicidés sous leurs ordres.... "ils étaient homosexuels, mais ça ne me regarde pas".... Glauque.
Toujours est-il que je suis ravi de voir l'arrivée de mon dessert !
Joie ! Des fruits de saison et exotiques dans cette salade ! Mangue, ananas, fruits de la passion, grenade, kiwi, poire... et des croûtons de pain d'épices. A côté un sorbet mangue agréable. Un dessert simple et plaisant pour 12€ tout de même.
Un café de bonne qualité accompagné - un peu en décalage - deux mini-tartelettes à la praline qui reposent sur de l'herbe morte ("tsé la montagne, les souvenirs, l'enfance, Manigod quoi !"). Très sympathique note de fin.
Côté vin, on me sert un bourgogne rouge, du domaine René Leclerc 2017 servi très chichement (une dizaine de cl à vue de nez) pour... 14€ ! Argl ! Heureusement, à ce prix-là, il était bon ce pif!
Quand on me tend l'addition, j'ai la surprise de découvrir que le dessert et le café m'ont été offert. Joli geste commercial, c'est toujours agréable d'être écouté quand on fait des retours chafoins. Seulement voilà, ça ne rattrape pas l'ensemble moyen, et surtout cher (ici 84€ malgré la ristourne !) pour ce que c'est. Manque de relief, manque de goût (symptôme général du Moma group j'ai l'impression), manque de personnalité (à part les clins d'oeil qui rappellent Veyrat) pour une addition d'un restaurant étoilé.... Peut faire mieux ! (j'y vais mollo, je ne veux pas de procès!)
La Fontaine Gaillon
1 Rue de la Michodière
75002 Paris (métro Quatre Septembre)
Tel : 01 88 33 93 00
Fermé le samedi midi et le dimanche
Les +:
_ sens commercial de l'accueil
_ bon pain et bon café
Les -:
_ des goûts simples et sans caractère
_ mauvais rapport qualité/prix
_ salle très bruyante
Serviette en tissus | ✅ |
Changement de couverts à chaque service | ✅ |
Nappe en tissus | ✅ |
Bonne réception mobile | ❌ |
WiFi gratuit | ❌ |
Musique inutile en fond sonore | ❌ |
Adapté pour les enfants bien élevés | ❌ |
Volume sonore moyen | 64dB |
Toilettes bien entretenues | ✅ |
Même menu midi et soir (hors formule) | ✅ |
Réservation possible | ✅ |
Vin au verre goûté avant d'être servi | ❌ |
Végétariens bienvenus (au moins 1 entrée et 1 plat) | ✅ |