J'avais beaucoup aimé Pouliche. Le retour en France de la cheffe Amandine Chaignot commençait bien. Et la voilà déjà à la tête d'un deuxième établissement, au pied de Montmartre, Le Café de Luce. Au menu une cuisine de grand-mère (la sienne) bien modernisée !
Par Arnaud Morisse
Il y a peu encore, à cette adresse se trouvait Les Petits cousins, une adresse réussie mais qui n'est pas parvenue à transformer l'essai, COVID oblige... C'est maintenant Amandine Chaignot (Eleni Group) qui occupe les lieux avec son nouveau restaurant, Le Café de Luce. Ouvert 7j/7, j'en profite pour m'y pointer donc un dimanche après-midi (14h), la semaine de l'ouverture.
C'est vraiment un démarrage, puisque seule la terrasse et la salle du bas est exploitée. Le reste est encore en travaux... avec les bruits qui vont avec. Qu'il est doux de déjeuner avec le bruit de perceuses...
Pourtant, mine de rien, à cette heure-là, et un dimanche, il y a pas mal de monde ici. Mais je m'aperçois vite ici qu'hormis ses amis, il n'y a que des touristes attablés. Il faut dire que l'adresse s'y prête : la rue des 3 frères monte vers l'un des hauts lieux touristiques de la Capitale : le Sacré Coeur.
Luce, c'est la grand-mère de la cheffe. Mais attention, ici, on ne tombe pas dans les travers d'un Jean Imbert et de feu Mamie, avec une cuisine exagérément ménagère à prix gastronomique, non. Ici, on a des plats de mémé modernisés à prix... de touristes. Ainsi, notre bon vieil oeuf mayo ici s'affiche à 7€ ou les harengs pommes à l'huile à... 12€. ça commence à faire cher ! Pour les plats, ça grimpe jusqu'à 39€, normal, le tartare est servi avec du caviar d'Aquitaine. En semaine, un menu déjeuner à 28€ (EPD) adoucit sensiblement la note.... Mais là, non, on est dimanche et j'ai la dalle (comme disaient les jeunes ado des années 90 comme moi).
Alors, qu'est-ce qu'il a dans le ventre cet oeuf mayo à 7 balles ? Déjà, il a une bonne tête. Trois moitiés comme le veux la tradition, des "herbes folles", une huile de persil, des petits croûtons et des rondelles de radis surplombe une jolie mayonnaise bien nappante. Et vraiment, c'est délicieux ! Oui, ça vaut 7€ un oeuf mayo aussi réussi ! Voilà qui m'ouvre encore plus l'appétit cette affaire !
Autre classique revisité pour calmer ma faim de loup : Tête de veau sauce gribbichette (11€). La encore, le visuel tape à l'oeil, et avec cet abat, c'est loin d'être évident ! Bon, n'espérez pas avoir de la cervelle ici, c'est de plus en plus rare dans les restaurants... Reste donc la tête, avec des pommes de terre tièdes et une sauce gribiche bien tendue. La cheffe parvient à apporter fraîcheur et légèreté à un classique qui d'habitude en manque singulièrement. Zut. J'ai encore plus faim au fur et à mesure que les bruits de perceuse se multiplient...
Avec ça, un petit verre de la Syrah d'Ogier, un vin de France bien fait et plutôt bien fruité. 6€.
J'enchaîne avec la Truite mi-cuite au jus de cassis, haricots verts à l'échalote (20€). Au premier coup d'oeil, on voit la (mi-)cuisson annoncée totalement respectée. A côté un fagot de haricots semblent m'intimer l'ordre de faire un régime. Mais je ne m'abaisserai pas à telle vilénie, d'autant plus que c'est plutôt bon avec ce relief acidulé des cassis et que je meurs toujours de faim...
J'accompagne ça d'un vin orléanais, Le Clos Saint Fiacre. Un charmant chardonnay, sans plus. 6€.
Mon estomac crie encore famine et le tartare vu à côté m'a donné envie ! Je sursois alors le dessert pour l'insérer dans mon déjeuner !
Après un certain étonnement du côté du service quand j'ai commandé, et une attente certaine au doux son du forêt qui troue un mur, voici mon Tartare de Salers aux herbes potagères et ses "vraies" frites.... étrange terminologie pour qualifier ces dernières... Soit elles sont "maison", et là, ça rentre dans un cahier des charges précis (à partir de patate entière), soit on fait croire à ça, ou alors on n'a pas conscience de l'importance des mots... Je penche pour cette dernière option, magnanime que je suis, car je les trouve plutôt réussies ces "vraies frites". Du côté du tartare, je retrouve ce mélange d'herbes qui m'avait tant plu avec l'oeuf mayo. Là ça fonctionne aussi ! La viande a été coupée en morceaux au couteau ce qui permet d'en percevoir au mieux la saveur crue. Seul bémol, la quantité : c'est chiche en bidoche, même pas 1cm d'épaisseur... je dirais au mieux qu'il y a 80gr de viande, on peut faire mieux pour un plat principal à 20€.
Un joli médoc s'impose avec de la viande, non? C'est parti pour le Pépin d'Escurac du château d'Escurac (7€ le verre de 12cl). Impec !
La bonne nouvelle c'est qu'il me reste de la place pour le dessert qui s'annonce "huge" : île flottante aux pralines roses.
... hé bien pas vraiment "huge". C'est sans doute le côté "moderne" de l'affaire, et l'île que je m'imaginais "groenlandesque" se retrouve plutôt "santorine"... Deux quenelles qui pataugent dans un pédiluve de crème anglaise, sont parsemées de fleurs, de pralines éclatées, de feuilles et de framboise. Alors, oui, c'est bon, mais très, très léger...
Place à la suite. Le café ! Je demande alors avec quelle maison on travaille au Café de Luce... et là s'en suit un sketch. Untel qui demande à untel, qui renvoie vers un autre, puis une autre. ça cause, ça tergiverse.... Moi, je demande juste une info pas bien compliquée quoi... Puis finalement, le chef de rang, qui me dit que c'est son premier jour (ha! ça me rappelle tant de soirées dans des clubs de strip tease!), et que pour le démarrage ils travaillent avec une maison qui n'est pas celle définitive (ce sera celle de Juan Arbalaez évidemment...) et me fait comprendre à demi-mots, que ce n'est pas nécessaire de goûter l'actuel. Soit ! Là, arrive la cheffe Amandine Chaignot d'un air un peu mauvais qui demande "un problème avec le café"? Là, dans ma tête je me suis dit : "pas taper, pas taper, je viens en paix!"
Passons à l'addition ! 86,50€. Ca peut paraître cher, mais rappelez-vous que j'ai pris, 2 entrées, 2 plats, 1 desserts et 3 verres de vin (12cl), presque un repas pour deux. Pour ce démarrage, la promesse d'une cuisine traditionnelle modernisée est d'ores et déjà bien respectée. Finalement, les tarifs demeurent plutôt tenus. Seul vrai bémol, certaines portions faméliques qui peuvent conduire à une fringale certaine en sortie de table. Une ouverture douce qui promet donc.
Le Café de Luce
2 Rue des Trois Frères
75018 Paris (métro Anvers)
Ouvert tous les jours
tel : 01 42 58 00 44
Les +:
_ une cuisine précise et pleine de saveurs
_ des plats traditionnels (abats included) sagement revisités
_ lieu sympa (malgré les travaux)
_ des valeurs ultra-sûres côté carte des vins
Les -:
_ en rodage naturellement
_ certains plats pas très généreux
_ une carte des vins à muscler