[Edit 22/03/22] : Granite a décroché sa première étoile Michelin.
Nouvelle ouverture de cette rentrée culinaire, Granite est le dernier né (ou éclos) de la famille Stéphane Manigold ( restaurant Substance, Contraste...). Aux manettes Tom Meyer, 2ème du Bocuse d'Or 2019. De bons ingrédients qui malheureusement ne font pas, pour l'instant, une bonne mayonnaise.
Par Robin
Me voilà donc quartier du Louvre, le cœur de Paris, dont je parcours les artères pour déboucher sur un des nombreux estomacs de Paris: la rue Bailleul. C'est entre Liquide (de Matthias Marc) et Clover Grill que l'on trouve le restaurant Granite.
On pénètre dans une jolie salle simple et raffinée, sans trop de chichis. Quelques discrets pièces de décoration habillent l'endroit; et dans l'air du temps, des éléments rappelant la nature (coraux et autres branches) viennent embellir des tables sans nappe.
Une fois assis dans des chaises un peu étroites mais confortables, la carte nous parvient: deux choix de menus: Quartz en 5 services (95€); ou Granite en 7 (125€). Des tarifs qui témoignent d'une certaine ambition, puisqu'ils sont au niveau, voir un peu au dessus, d'une table étoilée parisienne moyenne.
Trois petits canapés nous sont servis (avec le sourire!), autour de mariages intéressants: Shiso/poivrons; escargot/seiche ou encore aubergine; toutes sont très bonnes et laissent présager un bon repas.
Quelques morceaux de pain nous sont également apportés, provenant d'une boulangerie de Bezons (oui, oui): de bonne qualité sans plus, ainsi qu'un bon beurre au carvi.
Immédiatement ensuite se présente l'amuse-bouche, autour d'un kiwi mariné, de moules laquées et d'une mousse de burrata à la verveine. Malgré un léger manque de diversité dans les texture, tout se mélange à merveille: chaque élément se complète et s'équilibre. C'est très bon.
Après ces délicieuses courtoisies, passons maintenant aux choses sérieuses; et commençons à piocher dans ce menu Granite!
Les dernières tomates coeur-de-boeuf de la saison, une glace au géranium et de l'eau de tomate infusée à la prune. Grand amateur de légume (ou fruit) que je suis, me voilà ravi de l'intitulé. Au coup de fourchette, l'ensemble est bien fait, la fraîcheur de la tomate et de la glace bien accompagnée par la gourmandise et la sucrosité de l'eau de tomate infusée. Quelques herbes viennent donner quelques bienvenus éclats, c'est une très bonne entrée.
Deuxième étape sur le circuit dans cette mine (de granite, du coup): la sardine! Celle-ci a été pêchée en Méditerranée. Sous les poissons, des haricots verts et un condiment algue et pour que la bête reste dans du liquide vient se verser sur la préparation une huile matcha/pistache. Avant même d'entamer, l'odeur vient me titiller les narines. Une odeur familière, de la sardine grillée, celle des vacances d'été - une petite madeleine aquatique.
Vous l'aurez donc deviné, ça sent bon! Et ça l'est, aussi! Le jeu de texture est réussi entre les légumes bien cuits, la peau légèrement craquante du poisson et la rondeur de l'huile - on tient un bon plat.
Nous sommes jeudi, et jeudi, c'est gnocchi!
Une version plutôt XL néanmoins, puisqu'il en impose dans l'assiette. L'intitulé nous promet un cœur coulant de coquillage. Quelques graines et herbes jonchent ça et là la pâte également.
Je me saisis du très beau couteau et tranche gaiement le gnocchi, qui révèle effectivement une crème où baignent des coquillages.
Pas question de bain pour nous, mais plutôt d'une douche… froide. Le gnocchi est pâteux, sûrement un peu trop épais, et le cœur coulant de coquillages souffre de manques de finesse et de peps qui le rend malheureusement assez quelconque.
Ce plat n'est pas au niveau des premiers qui nous ont été présentés.
Les entrées se concluent sur une petite fausse note. Au tour des plats maintenant, avec d'abord celui autour du poisson: Daurade du Guilvinec, chou rave, kale, jus de pomme, gel de livèche. Quelques écailles ont également été soufflées et posés sur le petit pavé.
Je m'arme d'une cuillère pour goûter le bouillon, que l'on annonce avec de la pomme, mais dont la saveur est masquée par du combawa. Cela reste bon, et le chou rave se révèle également être bien travaillé et cuit.
Mais patatra! La daurade est beaucoup, beaucoup trop cuite, et en devient presque désagréable à manger. Quel malheur quand on devine facilement la qualité du produit. C'est vraiment dommage, les autres composants étant plutôt bien travaillés: nous en faisons retour à la serveuse.
Nous dégusterons ensuite du pigeon. Rôti sur le coffre, il est joliment présenté, accompagnés de deux brocoletti, d'une pièce d'abat laqué et de deux quenelles: l'une curry vert/combawa et l'autre … mystère (elle n'est pas annoncée)!
Un jus d'une belle couleur est versée sur le tout, et je commence par la partie mystère, qui se révèle être curry vert / combawa avec une bonne dose de coriandre ciselée.
Je fais partie de cette catégorie génétique de personnes qui ne peuvent pas manger de coriandre, ce que j'avais signalé… tant pis! Je me rince la bouche, je déplace la préparation sur le bord de l'assiette, et je reprends.
Le pigeon est remarquablement cuit. Le couteau tranche aisément l'oiseau, qui s'est paré de céréales pour lui donner un côté croquant. C'est une réussite. L'abat se trouve également être bien préparé, et ramène une puissance bienvenue au plat. La quenelle curry vert / combawa, par contre, est trop forte en goût et apporte du déséquilibre à côté de la finesse du pigeon. C'est bon, mais encore très perfectible.
Allez, au tour des douceurs maintenant, en espérant qu'elles rééquilibrent un repas assez inégal.
Après un pré-dessert autour de la poire réussi, arrive le riz au lait, travaillé sous plusieurs textures : dans sa forme classique, mais aussi soufflé, et en gelée.
Globalement, nous dégustons un bon dessert: les textures sont multiples et très complémentaires; la mirabelle est finement travaillée, notamment dans son mariage avec le vin jaune. Même si ce n'est pas un dessert de très haut niveau, il a sa place dans ce genre d'établissement.
Pour finir, qu'est ce qu'un repas sans chocolat?
Celui-ci, pardonnez moi le langage, a de la gueule. Il a été soufflé de manière assez inégale pour constituer une forme très brute, qui fait presque penser à un tronc d'arbre: c'est très beau, très moderne.
Autour de cela est versée une sauce chocolat chaud agrume, qui fleure très bon.
Le test olfactif passe haut-la-main, un peu moins le test gustatif. Les différentes préparations sont très marquées chacune de leur côté, mais ne se répondent pas. L'on tombe sur un bout de chocolat très sucré, puis un autre très acide avec de l'agrume, et au final le fil conducteur se perd un peu dans l'assiette. Une note finale un peu confusante.
Quelques mignardises pour finir : chocolat blanc / praline comme un galet; et gelée de pomme genièvre - bonnes, mais trop sucrées à mon goût.
L'addition maintenant, nous sommes 4 et nous payons 596 €, soit 149€ par personne pour le grand menu et l'équivalent d'un verre de vin et de l'eau.
C'est le prix d'un restaurant une étoile à Paris, cependant pour l'instant, la constance manque pour atteindre ce niveau.
Granite
6 rue Bailleul
75001 Paris (métro Louvre-Rivoli, Châtelet)
tel : 01 40 13 64 06
Fermé samedi et dimanche
Les +:
_ Quelques plats de bon niveau, on sent un potentiel.
_ Service impeccable
Les -:
_ Des erreurs grossières de cuisson et d'équilibre...
_ ... malheureusement pas sur un seul plat
_ Un rapport qualité / prix encore loin d'un restaurant étoilé.