Les semaines passent, et les restaurants changent de main, de nom, de style sans même qu'on soit au courant... Ainsi, je découvre que Mordant s'est transformé en Mâche. Toujours une histoire de crocs !
Par Arnaud Morisse
Je crois que je ne connais que des vieux. Ce qui semblerait aussi indiquer que j'en suis aussi un. Ô vieillesse ennemie ! Ainsi, quand je parlais autour de moi d'un restaurant nommé Mâche, je n'ai eu en retour que des références au film homophone de Robert Altman.
J'avoue que je ne sais plus où j'ai vu que ce restaurant ouvrait... ainsi, je fus un brin surpris de voir qu'il occupait l'adresse du Mordant. Un restaurant est mort, vive le nouveau restaurant !
La salle - pas très feng shui avec tous ces angles - n'a pas énormément changé. On est plongé en plein mouvement de Stilj entre Mondrian et Delaunay avec ces formes géométriques de couleurs qui décorent le lieu. Il y a du style. Au fond, derrière une verrière on aperçoit la cuisine où travaille un chef passé par l'Astrance et La Table d'Eugène.. Accueil tout sourire et tout charmant.
Sur la carte, ça joue bistronomie moderne avec des entrées qui vont de 8 à 12€ et des plats de 13 à 16€... Je ne devrai pas complètement me ruiner ce soir... si je suis raisonnable. Mais en plus d'être vieux, j'ai bien peur que...
Bon, je prends déjà 2 entrées... Tartare de boeuf et crevettes grises pour débuter. C'est graphique et chamarré. Dessus, de la frisée, cette salade amère en voie de disparition ("bah oué, parceque tu comprends j'aime pas l'amertume tout ça tout ça"), et un carpaccio de champignons de Paris cru. La viande coupée au couteau a du répondant en bouche, de la "mâche" quoi ! C'est très bien exécuté et tout est harmonieux comme si chaque élément se devait d'être là. Un mélange terre-mer réussi.
On reste dans le monde de l'histoire de l'art avec ma seconde entrée : le Monochrome (12€). Ici tout vire au blanc. C'est Robert Ryman qui serait content de voir ça ! En fait, ce plat se compose de daurade crue, de basilic, de corossol épineux, de radis daïkon et d'une meringue citrique au lait. C'est original et affriolant ! En bouche, de la douceur, de l'harmonie, de belles saveurs qui ne viennent pas agresser le palais. La délicatesse.
La carte des vins se promène allègrement dans la nature. Je commence donc le repas avec un gamay des coteaux du Lyonnais, Les Traboules du domaine Clusel Roch. Du jus, du fruit, un parfait glouglou à 7€.
En ce lundi soir de novembre, la salle est loin d'être comble. A une table un couple. Lui visiblement s'y connait en vins (ou se la pète en faisant croire que...) Il défriche ainsi la carte des vins et manifestement se repose sur les appellations bien connues et les prix costauds. Bah oui, faut bien impressionner madame !
Pour le plat, je la joue "veggie" comme disent les jeunes ou plutôt "végétarien" comme disent les vieux croûtons comme moi. Pommes de terre de l'Île de ré au beurre d'algue, haloumi, brocoli, noix de cajou et émulsion verte. C'est savant et à nouveau très bien présenté. Ca donne faim alors même qu'il n'y a que pouic en bidoche ! Jolie performance ! C'est frais, juste, végétal avec des jeux de textures réussis. Cette sauce verte fait plaisir aux papilles par sa gourmandise. Un plat à 13€ !
Pour aller avec ça, j'ai choisi Renverse-moi, un carignan du Languedoc du domaine de Valfaunes avec un goût de fruits rouges (cassis framboise) très poussé qui se marie bien avec ce plat.
J'ai encore une petite place pour la partie sucrée : c'est parti pour le Crémeux citron, pesto pistache, shiso, pain de gênes, panacotta, meringue cumin (9€) ! Ouf ! Mais à l'arrivée petite déception, car la puissance du cumin emporte tout. Alors que sans la partie meringuée, je me régale des différents éléments dont ce délicieux pesto !
Pour la bonne bouche, je décide d'accompagner ce dessert par une coupe - bien servie - de champagne Bruno Paillard, toujours aussi bon !
Un très bon café plus tard (2,50€), c'est l'heure de l'addition : 73,50€. En vrai, ici le trio entrée plat dessert ne dépasse pas les 35€. Mais bon, ma déraison l'a emporté et je me suis engouffré 2 entrées, 1 plat, 1 dessert, 3 verres de vin et un café... Faut dire que ces plats harmonieux et goûteux ouvrent sans cesse l'appétit. Mâche a de beaux atouts à faire jouer pour remplir cette belle salle originale notamment au déjeuner avec un menu à 30€.
Mâche
61 Rue de Chabrol
75010 Paris (métro Poissonnière)
Fermé le samedi midi et le dimanche
Tel : 09 83 40 60 04
Les +:
_ une cuisine graphique et harmonieuse, pleine de saveurs
_ un service très agréable
_ ambiance calme dans une salle originale à la déco très travaillée façon MAM Paris
_ des prix ultra doux !
_ chouette carte des vins
Les -:
_ dans un ensemble aussi équilibré, chaque petit déséquilibre se fait sentir