[Edit 22/03/22] : C'est fait, dès son ouverture, Plénitude au Cheval Blanc d'Arnaud Donckele a décroché les 3 étoiles Michelin !
Je peux le dire : "je l'ai fait" ! Subventionné par ma famille (que je remercie encore!) pour Noël, j'ai dîné au nouveau restaurant d'Arnaud Donckele, Plénitude Au Cheval Blanc de la Samaritaine. Un grand moment ! Le prix de l'addition pour 1 personne va vous étonner !
Par Arnaud Morisse
Quand on mange seul dans l'un des restaurants de l'Hôtel Cheval Blanc, il faut réserver par mail, c'est comme ça. Je demande alors une date de leur choix, du moment que ça tombe un dimanche soir. C'est donc plus d'un mois après mon coup de fil qu'une table est libre ! Ce dimanche 20 février, je vais donc dîner dans un restaurant promis aux étoiles Michelin (3?) le mois suivant après mon passage tout en émotion au Tout Paris que je ne suis pas près d'oublier. Plénitude d'Arnaud Donckele m'attend !
J'avoue, pour une fois, je me suis endimanché. Fini le look de clodo, bonjour les souliers en cuir véritable et cirés qui plus est ! Dans ce genre d'endroit, il est toujours de bon ton de porter beau... sous peine quelques fois de se faire rhabiller.... Mais là, ça n'a pas l'air d'être le cas. J'ai même vu en salle des hommes en chemise, sans cravate, et, pire que tout (!), sans veste !
Quand j'arrive, je découvre l'endroit, plutôt sobre. On est au premier étage, mais avec une vue parfaite sur le Pont Neuf. Mobilier rappelant un peu les années 70, bois clair au sol, rien de bien incroyable. Néanmoins, j'ai le droit à une petite visite du lieu, notamment ce couloir / cave à vin assez impressionnant avec les beaux Pétrus mis en avant dans une déco en "bois découpé à la tronçonneuse et brûlé". C'est chic. Je découvre aussi le coin "spiritueux" où trône en bonne place du calvados Donfrontais ! Seul un Normand peut en proposer à sa carte, et je découvre pour l'occasion que le chef est né à Rouen, ça ne trompe pas !
Me voilà installé, la carte à lire. En fait, il y a 2 menus : l'un à 320€, où il faut choisir à la carte 4 services. Et un autre en 5 services tout prêt à 395€. Oui, pour ceux qui ne sont pas habitués à ce genre d'endroit, ce sont bien des menus pour 1 personne et sans les boissons ! Puisque bien entendu on peut avoir un accord mets-vin pour la modique somme mesdames, messieurs de 195€ pour l'option simple ou... 450€ pour les vins de prestige ! La subvention familiale pour Noël est la bienvenue ! Il faut dire que la carte des vins est tout simplement éblouissante. Rarement vu ça.
Les amuse-bouche servi sur des couverts à bonbons (je crois bien) passent tout seul et jouent avec les goûts et textures pour éveiller les papilles. Rien de bluffant, mais je ne boude quand même pas mon plaisir !
Puis c'est autour du véritable amuse-bouche d'arriver : dans un bol, sur fond de décors marin, un buccin. Mouais... il n'y a que ça à manger avec de la sauce à côté. Le reste, c'est de la déco. Je ne suis toujours pas fan de trouver dans mon assiette des choses qui ne se mangent pas. Mais bon. J'ai le droit alors au "mode d'emploi" de tout le repas. En effet, on me confie un petit répertoire des sauces (oui, oui!), avec les recettes précises. Puis, consigne m'est donné de TOUJOURS goûter la sauce seule avant d'entamer le plat. Arnaud Donckele remet l'église au milieu du village en poussant le plaisir des sauces (sa spécialité et essence même de la gastronomie française) à son paroxysme ! Moi qui adore saucer, j'entrevois déjà des bonheurs à venir!
Bref, je goûte cette sauce, à base de "bulots grillés, essence de champignons, vinaigre de Barolo, huile d'olive à la livèche, beurre fumé, poivre de Sarrawak". Et là, je n'ai qu'une seule phrase qui me vient à l'esprit, simple, un tantinet vulgaire mais qui résume bien la situation : "ô putain, c'est bon !". C'est long en bouche, c'est d'un équilibre parfait, iodé, légèrement acide, rond.... Mamma Mia ! La claque ! C'est sûr que le petit escargot est largement magnifié avec ça dans sa coquille!
Je vide le mini-verre de sauce. A glou, à glou, à glou....
Puis vient l'un des acteurs majeurs de ce dîner : le pain. Alors que d'habitude dans les restaurants gastronomiques, on nous sert une pôv' tranche de pain minuscule qu'on économise au maximum de peur de manquer et de se remplir inutilement la panse, ici, j'ai le droit au pain entier sorti tout juste du four. Il y a un maître boulanger en cuisine, et ça se sent. Un délice. Parfait pour saucer bien évidemment !
Même cérémonial pour la Saint-Jacques Nacrée sauce agrumée. Je goûte d'abord la sauce disposée dans sa saucière. Miam. Sucré-salée, acidulée sur les bords.... Evidemment avec la belle noix à la cuisson parfaite, ça fonctionne à merveille. J'en bave encore !
Bon, vient le temps de commencer ce repas quand même !
Voici donc la sardine... et sa sauce ! Silure, puntarelle et sa "crème Saint-Antoine" qui m'envahit de bonheur à sa dégustation. Quelle justesse dans cette sauce ! C'est extraordinaire. Le plat est ludique, on s'amuse à décliner les différents éléments sur le fond de cette sauce magique. Je ne résiste pas - et que la baronne Nadine de Rothschild me le pardonne - je sauce à gogo ! Le bonheur.
Pour accompagner ça, un -petit- verre de Riesling Fronholz 2017 du domaine Ostertag. Une très bonne bouteille que l'on trouve à 38€ dans le commerce. Ha, j'ai oublié de vous dire, j'ai pris le "petit" accord mets-vins !
L'entrée suivante s'avère particulièrement spectaculaire : Gambon, endive, coing avec son velours perle. Fièrement, cette grosse crevette trône en arabesque dans l'assiette. Chaque élément de ce plat regorge de saveur et la sauce maximise au plus haut degré le tout ! Délicieux ! Je sauce, je sauce, je sauce!
Pour accompagner ça, un délice : condrieu de Stéphane Montez 2016, la Grillette.
A côté de ma table s'installe un couple. Lui c'est Mathieu Pacaud chef d'Apicius.
C'est l'heure d'avoir le choix pour d'autres pains (on laisse l'autre miche en plus évidemment!). Me voilà avec une foccacia roulée qui suinte encore d'huile d'olive. Miam !
Le Rouget, boulangère, oursin suit avec bonheur le cheminement vers la Plénitude et le bonheur. Fumet de roche bravade. Il y a un peu d'esprit de bouillabaisse dans ce plat, et la note de pastis dans la sauce enjolive le poisson. C'est puissant et particulièrement savoureux. Je sauce à nouveau. Je ne peux pas m'en empêcher.
C'est un vin rouge qui accompagne ce plat : un savigny les beaune premier cru en Marconnet 2015. Très bon vin empli de légèreté. Je pense qu'il y avait mieux à faire en terme d'accord, en tout cas plus original.
Puis, discrètement, on vient me demander, si ça me dirait d'aller faire un petit tour en cuisine. Et comment ! Bon, je suis repéré ou quoi? M'en fout ! Je veux voir la cuisine. Je sors donc de table et m'en vais découvrir une fantastique et grouillante cuisine. Ils sont nombreux et s'activent. De francs "bonsoir!" sont lancés à mon arrivée. On m'explique même qu'il y a une table d'hôtes dans la cuisine... et on m'invite à m'y asseoir ! ZE privilège !
C'est l'heure du trou normand ! Quelle magnifique idée de renouer avec cette tradition qui se perd ! Sorbet, granité et un soupçon de calva.... Mais j'avoue, je suis plus subjugué par l'instant. Je dois avoir les yeux qui brillent.
Mais voilà, c'est fini, il est temps de revenir à table. Je dois avoir un sourire béat voire franchement niais. M'en fout ! Je suis VIP !
Je recouvre mes esprits pour accueillir la viande !
C'est beau. Mais je crois que tout est plus beau là, maintenant. La vue sur le pont, la vaisselles, les gens. Je suis ailleurs et ici, je nage dans une idée qui me plaît bien du bonheur. Le petit médaillon de veau m'attend. La saucière contient une "fricassée dévoyée" et particulièrement gourmande. C'est un plat construit, réfléchi, qui donne un grand plaisir à chaque bouchée.
Avec le vin - un châteauneuf du pape du domaine des Marcoux 2014, ça se comporte à merveille en bouche.
Puis je vois que la table d'à côté a quitté les lieux. Je comprends seulement à ce moment que tous les clients ont le droit à ce privilège suprême de pouvoir déguster un service en cuisine ! La classe ! On est tous VIP ! Si mon égo en prend un coup (pas bien grave!), je me rends compte de l'organisation nécessaire pour réussir cette prouesse ! Chapeau bas !
"Du fromage" ? et comment ! On m'invite à me lever - que de sport. Pour découvrir une alcôve qui s'est ouverte depuis mon arrivée. C'est une reproduction en plus petit du musée de la Faïence de Rouen j'ai l'impression. Une superbe collection d'assiettes est proposée dont certains modèles que je connais bien, puisque je m'en sers chez Caboulot ! C'est un hommage aussi et surtout à la Samaritaine, puisque tous les modèles en sont estampillés. Le choix est vaste, et de grands classiques côtoient des raretés. J'avoue, là, j'ai fait mon gros en prenant 6 frometons différents. Mais que voulez-vous, tant d'émotions m'ont donné faim !
Je regagne ma place pour déguster. Dommage de ne pas avoir prévu un vin (ni même proposé) avec ce fromage. Je fais l'effort de demander un verre. Pour accompagner le fromage, j'ai le droit à un blanc de Santorin. Très bon vin qui me sera facturé tout de même 25€....
En guise de pré-dessert, un cocktail sans alcool qui rafraîchit bien le gosier. Rien de bien tonitruant.
L'oeuvre de Maxime Frédéric arrive ensuite : 6 agrumes, 5 herbes douces et poivrée, crème lactique. C'est magnifique. Et comme tous les plats, elle est accompagnée d'une sauce : sauce pectinée et condimentée "esquisse d'endocarpe". On est invité à trancher en son milieu cette jolie fleur pour y découvrir un insert herbacé. C'est du grand art, il n'y a rien à dire !
Pour accompagner ça, enfin un peu d'audace dans l'accord avec une liqueur de yuzu fraîche. Un petit bonheur en soit !
Puis vient le temps de la "boisson chaude". Je regarde la carte, des infusions à 14€, un moka à 9.... Mais je demande un café en demandant avec quel torréfacteur ce restaurant qui vise les 3 étoiles travaille-t-il? Réponse : Malongo. Déception dans les tribunes. Quoi? 9€ pour avoir un café plutôt lambda? Certes les mignardises (très bonnes au demeurant) sont bien présentées sur un décor en relief, mais le café dénote singulièrement sur le reste du repas. Dommage de terminer sur une telle note, triste. On me dit qu'ils ont bien conscience de la chose tout ça, tout ça, mais je pense qu'ils ont les moyens de travailler avec une maison plus intéressante....
Puis, vient le moment de la douloureuse. et je peux vous l'annoncer, la plus chère que j'ai jamais payée dans ma petite vie : 640€ TTC. Mais franchement, ça les vaut. Certes, j'aurai préféré avoir des verres de vin entiers à ce prix-là (d'autant qu'a priori les vins servis valent entre 30 et 50€ la bouteille dans le commerce), mais j'ai franchement été ébloui par cette expérience mémorable, ce concept de sauces qui me parle tant, ce service décontracté qui sait mettre à l'aise, ces surprises qui font plaisir.... Oui, ce Plénitude ne volerait pas ses 3 étoiles !
Plénitude
Cheval Blanc
La Samaritaine
8 Quai du Louvre
75001 Paris (métro Louvre Rivoli)
Tel : 01 79 35 50 11
Ouvert au dîner du mercredi au dimanche
Les +:
_ le concept autour des sauces
_ une expérience unique
_ la surprise de la cuisine
_ des produits exceptionnels
_ des pains fantastiques
_ dessert merveilleux
_ vue sur le Pont Neuf
_ l'accueil qui sait mettre à l'aise
Les -:
_ un café pas à la hauteur
_ des mini-verres de vin pour l'accord très cher
_ peu d'audaces et de découvertes dans les accords