Julia Sedefdjian a du talent et elle le sait (on n'obtient pas des étoiles en claquant des doigts ou grâce à son beau sourire!). Mais elle ne s'endort pas sur ses lauriers, et dans son petit restaurant du 5ème arrondissement, Baïeta, on embarque pour une cuisine pleine de parfums qui sentent bon le soleil.
Tout le monde en parle. C'est la cheffe incontournable ces derniers temps. Une étoile en janvier, le Lebey de la meilleure installation en avril, et des critiques élogieuses en veux-tu en voilà ! Julia Sedefdjian a la cote. Dans ce petit périmètre autour de la station Maubert-Mutualité, les bonnes adresses se pressent : Affinité, Hébé, Louis Vins... et donc Baïtea a priori.
Devanture en bois vernis très élégante. On se veut ici restaurant gastronomique sans sourciller. C'est tout juste s'il n'y a pas un voiturier.
A l'intérieur de l'établissement, une peinture qui fait figure de logo pour seule véritable décoration. Des murs immaculés, un beau plancher, du mobilier moderne. Pour cette journée de canicule, la clim' semble avoir des soucis. Ils ont sorti l'artillerie lourde avec un gros bloc de réfrigération placé au milieu de la salle. Quarante couverts environ, et deux personnes en salle qui ont l'air de dépoter avec le sourire.
La carte joue sur le registre de la cuisine méridionale quitte à caser quelques clichés : bouillabaisse, glace au pastis ou aïoli sont autant de clins d'oeil appuyés aux origines sudistes de la cheffe. Mais il n'y a pas que ça ! Ça a l'air bien bon... mais un rien coûteux : les entrées vont de 21 à 24€ tandis que les plats naviguent de 29 à 42€. Une étoile quoi.
Heureusement, au déjeuner, il y a de quoi ne pas se retrouver à poil devant son banquier avec une formule de la semaine à 29€ (entrée + plat) ou un menu "initiation" à 45€ en 4 services. Ça sent le bon plan ! Sinon, il y en a un aussi en 7 services à 85€. Ce sera pour un jour plus frais celui-ci !
Mais avant toute chose, on commence son voyage chez Baïeta avec un morceau de pissaladière en guise d'amuse-bouche. En déposant cette petite merveille sur la table, on me détaille le mode d'emploi à savoir manger avec les doigts, puis boire directement depuis le petit ramequin, l'eau de tomate qui accompagne "pour se rincer la bouche". Pas au point de faire des gargarismes quand même?
Oignon, anchois, miam ! C'est plein de goût cette petite chose, je comprends son succès. Quant à l'eau de tomate, c'est une sensation magnifique de pureté et de fraîcheur. Etonnant.
Mon palais est comme neuf !
Bonne nouvelle, le menu découverte se compose de l'entrée de la semaine, du plat de la semaine, d'un plat de viande de la carte et d'un dessert. J'ai donc le droit à la Mozzarella de la maison Barlotti, pickles d'oignon, gaspacho tomates concombre pour commencer. C'est plutôt joli et ça sent bon. Par ce temps où toute fraction de fraîcheur est bonne à prendre, c'est le plat idéal ! Il y a des parfums végétaux très agréables, la mozzarella est de bonne qualité. C'est bon. Dommage que les pickles n'offrent pas un peu plus d'acidité pour donner un relief supplémentaire à cette entrée.
Suite du menu de la semaine avec la Bonite pochée, déclinaison de courgettes, émulsion parmesan. Une nouvelle fois yeux et narines sont ravis de concert. Une belle portion de poisson, de la courgette - légume insipide s'il en est - réhaussée avec du parmesan, et une écume blanche et légère. Le goût du fromage, malgré sa présence dans la mousse et avec les cucurbitacées, reste très léger, laissant le champ libre pour que le poisson puisse s'exprimer dans toute sa splendeur, comme s'il lui disait "allez, c'est à toi petit poisson, donne tout ce que tu as !"
Et ce dernier s'offre à moi, mi-cuit, avec un coeur cru comme je l'aime. Tout ça est encore très bien fait et bien bon.
A côté de moi, deux concierges. Non pas deux personnes qui se racontent des cancans (quoique...), mais des jeunes concierges de palaces parisiens en quête de clés d'or. Après ce déjeuner, je peux vous dire que les dessous de ce monde luxueux n'est pas toujours des plus reluisants!
Place à la Poitrine de cochon caramélisée au soja gingembre, déclinaison de carottes, tuiles de cacahuètes. Annoncée en plat pour mon menu, à y regarder de plus près sur la carte c'est une entrée. Ce n'est pas bien grave d'autant qu'avec cette chaleur - ça y est, ils viennent d'activer un autre ventilateur - l'appétit se fait timide.
Là, cap sur l'est toute, mais loin, très loin, car avec ce cochon on arrive en Chine directement. L'accompagnement très français contrebalance cet effet sans donner de jet lag. Le cochon, très, très gras en est proportionnellement très très bon ! Le parfum du gingembre ne joue pas les simples figurants, il s'impose. Seule les prometteuses tuiles de cacahuètes déçoivent un peu : très épaisses, on ne sent que très peu le goût de l'arachide...
Retour dans le sud pour le dessert avec ce Sablé fenouil, crème citronnée, légère de mascarpone, sorbet citron pastis. C'est en fait plus ou moins une tarte au citron revisité, car le goût anisé du fenouil se retrouve légèrement dans le sablé très friable, et celui du pastis dans la glace un peu plus présent mais sans dénaturer les accents de citron. Un peu trop sucré à mon goût avec ces meringues italiennes, ça reste un joli dessert.
Pour le vin au verre, des références réconfortantes avec des appellations bien connues sont récitées à l'oral. J'ai donc pris un verre de Petit Chablis d'Alain Geoffroy. Un vin blanc sec, très minéral, très agréable, simple et sans complexité. A dix euros le verre (bien rempli), c'est pas donné. Coefficient élevé.
Alors manger dans un resto étoilé ça coûte cher? Pas forcément, avec ce menu Initiation et un café à 4€ (de l'arbre à café) la note finale s'élève à 59€, ce qui fait un excellent rapport qualité-prix. Les parfums sont là, l'identité de la cheffe transparaît dans cette belle cuisine d'auteur, je n'ai perçu aucune fausse note sans pour autant avoir atteint l'orgasme gastronomique sauf peut-être avec cette pissaladière et l'eau de tomate. Baïeta répond à mes attentes de bec fin sans difficulté, mais sans acmé non plus. Peut-être que je deviens trop exigeant?
Baïeta
5 Rue de Pontoise
75005 Paris (métro Maubert Mutualité)
Tel : 01 42 02 59 19
Fermé dimanche et lundi
Les +:
_ très belle cuisine
_ bon rapport qualité-prix au déjeuner
_ service efficace et très pro
Les -:
_ pas de prise de risque sur le vin qui est un peu cher
_ pas eu d'effet "whaou"