Ce restaurant parisien fut un temps classé dans la liste des 50 meilleurs restaurants du monde. Si, si ! Il a même occupé la 9ème place... en 2011. Le succès du Chateaubriand est toujours là, mais est-ce si bon?
Voilà 3 semaines que j'avais essayé de réserver. Chaque date et chaque créneau horaire affichaient "complet". Mais, dans sa grande mansuétude, le site accepte de m'inscrire sur une liste d'attente pour ce mardi soir.
Le temps passe. Aucune nouvelle, jusqu'à un appel pendant mon déjeuner à l'Octopus. On m'annonce qu'en fait il y a de la place. Banco ! Je prends ma chance.
Me voilà à 19h30 avenue Parmentier. Tous les serveurs sont sur le trottoir à causer et fumer. Pourtant quand je rentre, il y a déjà des clients à table. Ça fait drôle pour un restaurant étoilé !
A l'intérieur, c'est un bistrot ni plus, ni moins. Un grand comptoir en marbre, un tableau où est écrit à la craie le nom des vignerons partenaires et enfin, au dessus du bar une vieille enseigne où s'affichent les prix des vins à la bouteille... mais à une autre époque visiblement. La bouteille de Mercurey s'écoulait à cette époque-là à... 3 francs ! Voilà qui fait rêver !
Ici, c'est un TOC, on demande à tout le monde si "ça va bien"? Oui parce que ici, on est cool. Je m'installe au comptoir. Par cette chaleur, la salle n'est pas climatisée, je suis heureux d'avoir un peu d'air dans le dos.
Le menu, il est unique et imposé, à prendre ou à laisser. Bien entendu on peut faire la liste de ses allergies et de ses dégoûts, mais c'est tout. 10 étapes pour 75€. Cinq amuse-bouche, 1 entrée, 1 poisson, 1 viande et 2 desserts. En rajoutant la coquette somme de 65€, on peut avoir le droit à des accords mets-vin sous la forme de 8 petits verres. Ce n'est pas si cher que ça.
La salle est loin d'être pleine.
Très vite arrive l'amuse-bouche N°1 : 3 gougères avec du cumin dessus. Des gougères quoi, rien de particulier à signaler.
Je n'ai pas terminé ma première bouchée, que l'amuse-bouche N°2 arrive ! On est pressé ici ! Un "shot de ceviche". Dans un drôle de verre en marbre, un liquide rose avec une demi-framboise qui flotte. Ça se boit d'une traite. Mais avant je termine mes gougères quand même !
C'est gobé. C'est bon, ça réveille bien les papilles. Sucre et acide sont au rendez-vous.
Ça s'enchaîne ! Sitôt débarrassé que la suite est là ! Un finger de sardine, citron enroulé dans une feuille de riz. Avé les doigts, je saisis la chose qui n'est pas grasse étonnamment, croque... et me régale ! C'est très bon, avec le goût puissant du poisson et l'acidité de l'agrume.
On enchaîne avec une petite salade constituée de maïs (grain et en mini-épi), de pickles d'échalote et de chair de tourteau. C'est une véritable petite entrée cette fois-ci au niveau de la quantité. C'est très bien assaisonné, et avec cette belle huile de tournesol utilisée c'est très bon. Mais le vrai secret de cette petite assiette est dans ces pickles d'échalote, le plat s'envole !
C'est déjà l'heure du 5ème et dernier amuse-bouche : Soupe froide de courgettes jeunes, ricotta, huile d'olive. Très frais, ce gaspacho est très bon grâce à cette ricotta qui a été fumée et l'huile d'olive excellente.
Pour la suite, toujours pas de changement de couverts. On est à la cool qu'on vous dit !
On ne perd pas le rythme, allez ! Un deuxième service attend ! Bon, la salle n'est toujours pas pleine et des personnes sans réservation sont acceptées après avoir passé un coup de fil à la dernière minute...
Encornet, oignons nouveaux, fleur de thym. Vue la quantité, cette entrée pourrait très bien être un 6ème amuse-bouche. Mais c'est très bon ! Ultra-parfumé et avec un joli jeu de textures, c'est simple et délicieux.
Même constat pour le poisson qui est servi avec parcimonie. Un morceau de filet de Saint Pierre, ravioles blettes ricottas, jus de cochon ibérique. On joue un peu à la dînette ce soir ! Le tout petit morceau de poisson est un poil trop cuit, mais reste très bon. Ces ravioles sont redoutables, surtout trempées dans ce jus de cochon subtile. C'est très bon, rien à redire !
Avec le pain Poujauran servi avec générosité, ce jus est terrible !
Il aura fallu attendre le 7ème service pour voir changer les couverts. Ris de veau, groseilles tandori, capucines citron. C'est une nouvelle fois famélique, heureusement que le pain est là !
L'abat est très bien cuit, et j'avoue qu'avec ces groseilles épicées, ça fonctionne franchement. La salade relevée à côté est délicieuse, presque meilleure ! C'est super, très réfléchi, mais ça manque de générosité quand même... surtout dans un bistrot.
Puis, toujours rapidement, arrive le deal du siècle : tu troques tes 2 desserts contre 1 assiette de fromage. Vu les quantités servies à chaque fois, je préfère rester sur le sucré !
D'abord, Cerises et câpres. Quatre cerises, une quenelle de sorbet, des câpres séchés et des feuilles de câprier. Il y a une semaine, j'aurais été surpris, mais voilà, j'étais ce week-end chez Dilia où j'ai pu manger des câpres dans mon dessert. L'association fonctionne bien, surtout avec les feuilles.
Clou du spectacle, une bouchée surprise ! Manifestement une coque de meringue, avec un caramel au beurre salé et un jaune d'oeuf qui a été confit au sucre. Je gobe. Je ne sens que le (bon) goût de caramel.
Pour le vin j'ai pris un verre de bourgogne blanc la soeur Cadette 2017 (6€) et un verre de patrimonio, Carco 2017 à 9€. C'est la bonne surprise de l'endroit, des vins pas trop chers... et bons ! Par contre, ne pas attendre de conseils pour le choix.
Addition finale avec un café, et des bouts de melon assez quelconques pour rafraîchir : 93€. Ce Chateaubriand est une expérience en soi qui a été une révolution à son époque, mais qui maintenant a été abondamment copié (menu imposé, plats simples aux alliances inattendues, mini-happenings...) si bien que l'effet de surprise ne joue plus. Avec ces quantités faméliques dans les mini-assiettes, il vaut mieux se gaver de pain si on ne veux pas ressortir l'estomac hurlant. Après, on a le droit à une très belle cuisine, pleine d'audace et de caractère pour un rapport qualité-prix qui reste encore raisonnable.
Le Chateaubriand
129 Avenue Parmentier
75011 Paris (métro Parmentier)
Tel : 01 43 57 45 95 (en appelant le soir-même ça peut passer)
Fermé le dimanche et le lundi
Les +:
_ cuisine audacieuse et très réfléchie
_ la foire aux saveurs
_ un service réglé comme une horloge, en 1 peu plus d'une heure seulement, 10 plats servis
_ des bons vins pas trop chers
_ très bon pain à boulotter
Les -:
_ Quantités pour appétit d'oiseau
_ pas de révolution sur les papilles (je m'attendais à plus de surprises)