Le Plaza Athénée a dit au revoir à Alain Ducasse pour accueillir un jeune chef sans étoile (à raison) : Jean Imbert. Pour l'instant, il a mis sa patte dans le Relais Plaza, alors, frôle-t-on l'arnaque comme c'était le cas chez feu-Mamie?
Par Arnaud Morisse
Un article dans M le Magazine du Monde avait mis le feu au poudre en mettant les pieds dans le plat : quelle idée était venue au groupe Dorchester d'en finir avec Alain Ducasse et ses étoiles pour accueillir un jeune freluquet qui n'a jamais donné dans la haute gastronomie en la personne de Jean Imbert? Avec des verbatim du genre "Jean Imbert est un déshonneur pour la Haute gastronomie française" de la part d'un chef étoilé, ou "il n'a ni le CV ni l'expérience pour une telle place" tranchait François-Régis Gaudry. Ou encore "Le mec qu'on ne voit jamais en cuisine et qui pose déguisé en tablier pour l'occasion, quelle rigolade" rajoutait Emmanuel Rubin du Figaro... Ca balance pas mal à Paris !
Il faut dire que moi aussi je suis dubitatif, surtout après ma (mauvaise) expérience chez Mamie, un truc de marketing pur avec de la cuisine très ménagère et grossière à prix gastronomique... Mais bon, peut-être qu'il s'est réveillé dans ses casseroles pour le prestigieux Plaza Athénée?
C'est chic de rentrer par l'hôtel. J'arrive dans la salle du Relais Plaza. C'est comble... et ultra bruyant. On se croirait dans un restaurant routier avec un car de retraités avinés. Heureusement, je suis exfiltré de cette infernale ambiance pour être placé dans la salle supérieure, plus calfeutrée. La déco ne brille par par sa modernité. C'est vieillot, démodé et sans grand intérêt. Les banquettes accueillent mon séant très confortablement.
A la carte, on repère des plats de Feu l'Acajou, de feu Mamie et certains plus traditionnels, reliés à l'histoire du lieu. C'est de la cuisine de brasserie très bourgeoise avec les prix qui vont avec : entrées de 14 à 46€ (pour les langoustine Thermidor) et des plats qui varient entre 27 et 57€. Il s'agit de ne pas se tromper ! En plus, un semainier propose un plat du jour (un peu) plus économique.
Pour ce prix plutôt costaud, pas de mise en bouche. Juste des petits pains (impossible de saucer avec...) et un traditionnel beurre au piment d'Espelette en forme de cône...
Je commence donc avec l'Emincé de bar à l'huile d'olive et citron pour la coquette somme de 32€. (gloups). C'est beau et ça rappelle la cuisine de l'Acajou. Les tranches de poisson bien frais sont épaisses et généreuses, découpées au cordeau. Au dessus, des suprêmes d'agrume. C'est frais, parfaitement assaisonné et avec du caractère avec ces fruits frais et confits. C'est plutôt bon ! Même pour 32€.
J'accompagne cette entrée avec un p'tit godet de chablis de chez Mosnier (14€), parfait.
Je profite donc du semainier pour déguster l'Omelette aux cèpes à seulement... 34€ ! Un vrai luxe ! Mais bon, j'adore ça, et ce sont là mes premiers cèpes dévorés cette année. L'omelette arrive, parfaite. LA précision technique dans chaque assiette est remarquable. Dessus, de petits cèpes bouchon juste cuit comme il faut pour conserver les bons arômes de sous-bois et la texture. A l'intérieur, il y a aussi une bonne dose de champignons ! J'avoue, je n'ai jamais mangé une aussi bonne omelette aux cèpes... Après, est-ce que ça vaut 34€, peut-être pas...
Mais avec un verre de crozes-hermitage, la cuvée L de Laurent Combier (14€ ) j'oublie ce détail et je profite.
A côté de moi, une célèbre auteure aux goûts de luxe visiblement, qui a ses habitudes ici. La clientèle se divise entre les habitués - parfois un peu grognons - et les plus jeunes espérant - en vain - voir Jean Imbert en vrai.
Pour les desserts, rien qui me fasse rêver... que du classique, hormis la dernière proposition de la carte : nuage de crêpes et glace suzette.
A la vue de mon dessert, je me dis dans mon fors intérieur : "bien ouej' mon Nono !", car ce dessert est généreux comme je les aime ! Et là, pour 11€, carrément à un tarif très correct ! Ce gâteau de crêpes me fait saliver rapidement. Il est flambé comme il se doit. C'est très réussi ! Les saveurs de l'orange rappellent bien les crêpes suzette. C'est copieux sans être étouffant, la glace apporte la fraîcheur nécessaire à la fin de repas.
Je renonce au café Nespresso qui doit être tarifé hors de toute conception du raisonnable et demande l'addition : 105€. C'est coûteux, mais on ne peut pas s'attendre à moins dans un tel endroit. Jean Imbert semble bien s'être tiré d'affaire de ce premier piège de la brasserie chic (certainement aussi grâce au talent du chef Jocelyn Herland) car je ne peux pas crier au scandale (snif!). Ni au miracle non plus, mais ça tient la route. Là où le bat blesse, c'est certainement la déco du lieu qui mériterait un sérieux ravalement.
Le Relais Plaza
Hôtel Plaza Athénée
21 Av. Montaigne
75008 Paris (métro Alma Marceau)
Tel : 01 53 67 64 00
Ouvert tous les jours
Les +:
_ une cuisine parfaitement maîtrisée qui ne manque pas de générosité
_ de belles saveurs à la clé
_ carte des vins classique mais avec de jolis crus disponibles au verre
_ service de palace, pro et souriant
Les -:
_ ça reste cher
_ la déco dépassée
_ la salle du bas ultra-bruyante